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“La justice est polluée par la pénalisation des actes de gestion”
Me Miloud Brahimi à Liberté
Publié dans Liberté le 09 - 02 - 2011

Dans cet entretien, ce spécialiste du droit aborde la question de la dépénalisation de l'acte de gestion, une mesure annoncée jeudi dernier par le chef de l'Etat et se prononce sur les raisons de la généralisation de la corruption en Algérie avec l'éclairage d'un homme de loi qui a connu des grandes affaires liées à la criminalité économique.
Liberté : Faut-il imputer la généralisation de la corruption en Algérie à la défaillance des instruments de contrôle ?
Me Brahimi : Il est exact qu'on peut imputer la persistance de ce phénomène aux défaillances des services de contrôle mais sous réserve de clarification. En effet, on confond un peu trop souvent la corruption, terme que tout le monde comprend, avec d'autres phénomènes qui, curieusement, occupent plus que de raison les services chargés de la lutte contre la corruption. Prenez, par exemple, la pénalisation de l'acte de gestion dont on vient d'annoncer la prochaine abrogation. Je tiens cette annonce de dépénalisation de l'acte de gestion pour plus importante que la prochaine levée de l'état d'urgence. Le système a préexisté à l'état d'urgence. Il lui survivra, sauf mesures et initiatives appropriées à venir. Par contre, la pénalisation de l'acte de gestion est consubstantielle à ce système, avec les ravages dont on n'a pas fini de mesurer les conséquences pour l'économie nationale. Autrement dit, la dépénalisation de l'acte de gestion est un signe fort pour l'évolution du même système dans la bonne direction. Lors de notre dernier entretien, je vous avais dit mes appréhensions quant à la gestion sécuritaire et judiciaire de l'économie nationale. J'illustre mes propos par les inculpations tous azimuts de passations de contrats en violation de la réglementation en vigueur qui peut aller jusqu'à dix ans de prison. Je signalen, au passage, que ce prétendu délit (qui a même été considéré comme un crime) a connu six ou sept modifications depuis sa promulgation. C'est vous dire son inutilité et sa nocivité. À l'heure où je vous parle, des dizaines de cadres sont poursuivis, souvent incarcérés pour cette infraction, avec toutes les conséquences négatives sur le fonctionnement de leur entreprise. Leurs collègues sont réduits à l'immobilisme quand ils voient ce qui peut en coûter pour une gestion, par ailleurs, tout à fait normale. J'ajoute que la dépénalisation de l'acte de gestion constitue pour moi l'aboutissement d'un combat de plus de 30 ans pour le triomphe de la raison et du simple bon sens. Je vous avais également déclaré qu'on n'aurait pas dû décapiter la Sonatrach pour les faits qui ont tant occupé les médias et l'opinion publique. Je précise que dans un autre dossier Sonatrach, qui a fait récemment la une des journaux, les charges retenues relèvent exclusivement de l'acte de gestion dont le président de la République vient d'annoncer la dépénalisation. Un mot pour éviter tout malentendu : je suis favorable aux sanctions les plus sévères contre les corrompus. Je n'en suis que plus libre pour dénoncer avec la plus extrême vigueur la confusion entre corruption et acte de gestion. Je pense même que la répression de l'acte de gestion fonctionne comme une excuse pour le laxisme dans la lutte contre la vraie corruption.
Le trafic d'influence, en un mot l'indépendance de la justice, est-il un facteur déterminant dans la propagation du phénomène de la corruption ?
Lorsqu'on parle d'indépendance de la justice, il faut relativiser parce que cette indépendance est un objectif à atteindre, ce n'est malheureusement pas encore une réalité chez nous. Ceci étant, la justice se débat comme elle peut avec des dossiers sur lesquels elle a peu de prise. Au lieu de lui soumettre les dossiers de la corruption proprement dite, on la submerge de dossiers relatifs à la mauvaise gestion des entreprises publiques. Voilà qui nous ramène à la question précédente de la pénalisation de l'acte de gestion, une infraction stalinienne, dont on va enfin débarrasser le paysage judiciaire et économique. La justice est à l'aise pour juger un acte de corruption, elle l'est infiniment moins lorsqu'on lui demande de sanctionner un cadre gestionnaire. Je rappelle autant que de besoin que la justice elle-même est fondée sur le droit à l'erreur. La preuve que le juge de première instance peut se tromper est qu'on a le droit de relever appel de son jugement ; la preuve que la cour qui examine en appel ce jugement peut également se tromper et que sa décision peut être soumise à la censure de la cour suprême par voie de pourvoi en cassation. Autrement dit, on reconnait au juge le droit à l'erreur de jugement, mais on ne reconnait pas au gestionnaire le droit à l'erreur de gestion. Résultat des courses : des fleurons de l'économie nationale comme Sider et Cosider n‘ont pas survécu au traitement judiciaire qu'on leur a infligé. Par voie de conséquence, gare aux menaces qui s'amoncellent contre la Sonatrach. C'est l'occasion de dire que la vraie sanction d'une mauvaise gestion n'est pas la prison, mais le changement des mauvais gestionnaires dans les entreprises, à ceci près que souvent ce sont les bons gestionnaires qu'on défère à la justice
Que pensez- vous de l'abus des contrats de gré à gré dans l'attribution des marchés publics ?
Il est impératif de comprendre une bonne fois pour toutes que le code des marchés publics ne s'applique pas aux sociétés nationales. Il s'applique exclusivement aux organismes d'Etat au sens propre du terme, c'est-à-dire aux collectivités publiques (Wilayas , APC), aux offices et établissements à caractère public. Il ne s'applique même pas aux entreprises à caractère administratif et commercial (EPIC). Par contre, les sociétés nationales, à commencer par la plus importante d'entre elles (la Sonatrach), sont régies par la commercialité et par les règles de passation de marchés qu'elles se donnent elles-mêmes. Pour des raisons que je n'arrive pas à m'expliquer, et qui renvoient probablement à la mentalité Beylik, les gens ne veulent pas comprendre que les entreprises publiques économiques ne sont pas concernées par le code des marchés publics depuis la loi assurément bienvenue du 12 janvier 1988. Dans le cadre de leurs activités, les EPE peuvent être conduites à passer des contrats de gré à gré. Cela devrait relever de la compétence des cadres gestionnaires, mais la législation actuelle ne l'entend pas ainsi. Je répète qu'il faut être impitoyable si un acte de corruption se cache derrière la passation de tel ou tel autre contrat. Dans le cas contraire, on n'a pas mieux imaginé à ce jour pour freiner les bonnes initiatives et saborder l'économie de marché, à moins, encore une fois, qu'on ne sanctionne allègrement l'acte de gestion pour éviter de réprimer la corruption.
Le retard dans la mise en place de l'organe de lutte contre la corruption a-t-il encouragé ce phénomène ?
Je ne vois pas du tout en quoi la propagation de la corruption est liée à un retard dans la mise en place de l'organe de lutte contre la corruption. Tout en lui souhaitant plein de succès dans sa mission, je constate que la corruption lui a préexistée et je ne prends pas un grand risque en prédisant qu'elle lui survivra. On oublie qu'un observatoire contre la corruption avait été créé au temps du président Zéroual. Je ne vois pas de différence notable entre les deux organismes. Je ne lui vois pas de rôle spécifique majeur par rapport à celui déjà assumé par les services de sécurité. L'avenir dira si je me trompe, et je souhaite me tromper.
Que pensez–vous de l'obligation pour les entreprises étrangères de souscrire l'engagement de ne pas corrompre des cadres gestionnaires ?
Cette disposition n'a aucun sens juridique. En effet, souscription ou pas de cet engagement, les étrangers peuvent être poursuivis pour cette infraction. C'est le type-même de mesure démagogique sans aucun intérêt pour la lutte anti-corruption.
Des avocats et des experts affirment que l'impunité a favorisé la propagation du phénomène de corruption. Est-ce votre avis ?
Je partage cet avis dans la mesure où certains justiciables sont au-dessus des lois, tandis que d'autres sont déférés devant la justice pour de prétendus actes de corruption alors qu'il s'agit en réalité d'actes de gestion. Je considère que la justice est polluée par des dossiers qui n'auraient jamais dû arriver jusqu'à elle, parce que, encore une fois, je ne crois pas en la gestion sécuritaire et judiciaire de l'économie nationale.
La nomination de responsables considérés comme corrompus et corrupteurs alimente le phénomène...
Vous touchez au fond du problème. À ma connaissance, les hauts cadres ne sont nommés qu'après enquêtes probatoires des services de sécurité. Ils sont censés être au-dessus de tout soupçon. Apparemment, ce premier filtre est insuffisant.
Vous avez affirmé que la corruption en Algérie est devenue un sport de masse, après avoir été un sport d'élite. Que préconisez-vous pour réduire le phénomène ?
Il faut être juste : la corruption n'est pas plus étendue chez nous que chez nos voisins, je pense même que nous sommes mieux lotis dans ce domaine. Ceci étant, pour réduire la corruption, il faut tout simplement s'attaquer à la corruption et non à de prétendues infractions périphériques qui constituent un véritable paravent pour les vrais corrompus. C'est pourquoi j'estime que la dépénalisation de l'acte de gestion, pourvu qu'elle soit loyale, est une grande avancée dans la lutte contre les maux sociaux et pour l'ouverture de l'Algérie à la modernité.
Je termine sur une évidence : plus il y aura de transparence, donc de démocratie, moins il y aura de corruption. Et sur un espoir : la libération prochaine des cadres gestionnaires qui croupissent en prison pour… rien.


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