Plus que dans les résultats des cantonales françaises de dimanche, l'enjeu de ce scrutin local est davantage dans le remodelage du paysage politique qu'il préfigure à quinze mois de l'élection présidentielle. Si le Front national, crédité de 11,64% de voix, confirme sa progression et retrouve le pouvoir de nuisance électorale qu'il avait il y a vingt ans, le grand perdant de l'élection de dimanche est le parti de la majorité de droite, mettant par là même, le président Sarkozy en difficulté dans la mesure où le «désaveu» et la «sanction» des urnes pourraient menacer sa légitimité à être le meilleur candidat de l'UMP pour la présidentielle. A moins qu'il réussisse à convaincre son propre camp qu'il est le meilleur candidat à droite et à éviter une éventuelle implosion de la majorité. L'importante abstention (55%) due à une profonde désillusion face à des promesses présidentielles non tenues, à un climat de marasme socioéconomique, à la peur d'un avenir incertain, marque le discrédit du président Sarkozy et de sa majorité. La stratégie de la droite consistant à surfer sur les peurs et les fantasmes, comme le «déferlement» d'étrangers du Sud, de «flux migratoires incontrôlables», s'est retournée contre elle, comme un boomerang. La surenchère qu'elle a faite à l'extrême droite sur ses sujets de prédilection – stigmatisation de l'Islam, question identitaire… – n'a pas été payante, elle a, a contrario, contribué à libérer la parole raciste et à «normaliser» le Front national aux yeux d'une partie de la population française. Marine Le Pen ne pouvait pas faire mieux que le nouveau ministre de l'Intérieur, Claude Guéant («Les Français ont le sentiment de ne plus être chez eux»), pour ne citer que ce proche de Nicolas Sarkozy. Le succès du FN dépasse largement le résultat des urnes. Pour sa présidente, le scrutin de dimanche dessine les «prémices d'une recomposition politique» permettant au FN de former un «pôle de rassemblement» en vue des élections législatives de 2012. Tant le parti socialiste, vainqueur des élections de dimanche avec 35,74% des voix, que l'UMP (20,21%) devront pour 2012 compter avec un Front national décomplexé et déterminé à se poser comme la troisième force selon l'ambition de sa nouvelle présidente, Marine Le Pen, qui a remplacé son père à la tête du parti d'extrême droite en janvier dernier. «Ce soir tout commence pour redresser la France», affirme la première secrétaire du parti socialiste, Martine Aubry. «Je suis consciente que nous avons un devoir de victoire en 2012 pour la France et les Français.» Martine Aubry devra commencer par rassembler toute la gauche. Ce qui n'est pas une mince affaire. Ensuite convaincre les Français qu'«une autre France est possible». Rendez-vous le 5 avril avec la présentation du programme du parti socialiste.