Le Conseil de la nation a exprimé, hier, « son profond regret » après le refus de l'Assemblée française de supprimer la référence au « rôle positif de la présence française », notamment « en Afrique du Nord » dans la loi du 23 février 2005. L'Assemblée nationale française a rejeté, rappelle-t-on, le 29 novembre dernier, une proposition socialiste visant à supprimer l'article 4 de la loi sur les rapatriés et les harkis portant sur le « rôle positif de la présence française », notamment en Afrique du Nord. Le bureau du Conseil de la nation « regrette profondément que la majorité à l'Assemblée nationale française n'ait pas saisi l'occasion de l'examen de l'amendement visant à abroger cet article pour rétablir la vérité historique sur la nature du colonialisme », selon un communiqué du bureau du Conseil de la nation, réuni lundi à Alger. Ainsi, le bureau du Sénat « rejette cette tentative de falsification de l'histoire et considère que cet anachronisme, qui tranche avec notre époque, marquée par le triomphe des droits de l'homme et des peuples, n'est nullement de nature à servir les intérêts des deux pays (...) », ajoute le texte. « Il est en effet regrettable de constater que des considérations de politique interne étroite, fondées sur une démarche passéiste, aient prévalu sur une vision lucide d'avenir des relations entre la France et l'Algérie », a-t-il encore affirmé. Samedi, l'Assemblée populaire nationale (APN) s'est déclarée « plus que jamais mobilisée pour contrecarrer les objectifs tant avoués qu'inavoués » de cette loi, selon une résolution du bureau de l'APN. De leur côté, les initiateurs de la démarche « pour la décolonisation des relations algéro-françaises » : Ahmed Lakhder Ben Saïd, ex-parlementaire et fils de chahid, Ahmed Boubrik, ex-coordinateur des associations des enfants de chouhada, Lahbib Rachedine, journaliste, Ali Mahlal et Amar Ben Djedda ont déclaré hier, dans un communiqué rendu public, qu'ils sont en train de mobiliser toutes les forces vives du pays, dont les groupes parlementaires des deux chambres du Parlement, en vue d'élaborer des textes de loi qui criminalisent la colonisation. Au-delà, donc, de la dénonciation et de réactions passives de la classe politique algérienne, les rédacteurs du communiqué invitent les groupes parlementaires de l'APN et du Sénat à une riposte à la mesure du déni historique et humanitaire, charrié par le rejet de l'UMP de Sarkozy d'amender, comme le souhaitait le PS, la loi du 23 février qui vante « les bienfaits de la présence coloniale en Afrique du Nord ». Dans le même registre, ces initiateurs annoncent sensibiliser l'ensemble des organisations de masse, les organisations estudiantines et la société civile afin de demander au gouvernement français des réparations sur les crimes commis à l'encontre du peuple algérien durant l'époque coloniale (1830-1962). « Ces deux étapes (une loi de l'APN puis une réparation) ne constituent qu'une partie d'un tout qui reste en suspens entre les deux Etats algérien et français, avant de procéder à la signature du traité d'amitié sur des bases solides et de respect mutuel », est-il relevé dans le communiqué. Qualifiant la loi du 23 février de « scandaleuse », les initiateurs de « pour la décolonisation des relations algéro-françaises » soulignent que l'assainissement des relations entre les deux pays passe, inévitablement, par la reconnaissance par la France de sa responsabilité sur les crimes du colonialisme, sa repentance et enfin la réparation. Ainsi, l'adoption par l'Assemblée française de la loi du 23 février ne cesse de susciter une vague de désapprobations, aussi bien à l'intérieur du pays qu'en France même. Les socialistes, les Verts, la Ligue des droits de l'homme (LDH), SOS Racisme et des historiens français ont vivement critiqué le vote de l'UMP, en avançant des explications « électoralistes ». Chez nous, en Algérie, l'Alliance présidentielle a dénoncé la position de la France qui n'arrive pas à se débarrasser de son image coloniale. Le groupe parlementaire du FLN a emboîté le pas à l'alliance en critiquant fermement le maintien de la loi du 23 février, qui remet en cause les efforts déployés par les présidents Bouteflika et Chirac pour ouvrir une nouvelle page historique entre les deux pays (traité d'amitié). C'est au tour donc des deux chambres du Parlement de dénoncer cette loi « passéiste », en attendant une riposte énergique. Cette loi, il est vrai, va complètement redistribuer les cartes entre les deux chefs d'Etat. Avec la promulgation de cette loi et la longue convalescence de M. Bouteflika, la signature du traité d'amitié avant la fin de cette année devient une simple chimère.