Le recours accru à la dépense publique pour entretenir une croissance, somme toute superficielle, car n'étant pas le fait du marché, est érigé durant cette dernière décennie en une sorte d'orthodoxie qui semble présider aux orientations économiques du pouvoir en place. Or, s'il est vrai que de gros efforts budgétaires sont logiquement consentis pour financer un rattrapage vital en matière d'infrastructures, il n'est pas moins vrai que l'infrastructure, à elle seule, ne fait point le développement. Le hasard d'un baril plus cher est ainsi exploité comme du pain béni par les décideurs actuels pour faire survivre une économie nationale, dont la fragilité est aussi évidente que la volatilité des cours pétroliers mondiaux qui en fondent l'état de santé. En effet, même l'édifice macroéconomique de l'Algérie, à savoir la bonne tenue des fondamentaux de son économie, reste vulnérable et peut s'écrouler à moyen terme, faute d'une démarche efficiente de diversification des ressources en devises et d'instauration d'une croissance autoentretenue. La bonne tenue des indicateurs macroéconomiques que ne cesse d'arborer l'Exécutif en place comme étant un gage de stabilité économique, et même politique depuis quelque temps, n'est en fait viable qu'à court terme, si l'on tient compte des caprices imprévisibles du marché pétrolier mondial. Le cadrage macroéconomique et financier de la loi de finances 2011 en dit d'ailleurs très long à ce sujet. Evalué à quelque 150 milliards de dollars, le niveau actuel des réserves officielles de change, baromètre des capacités d'importation du pays, ne couvre en tout que trois années d'importation de biens et services. Matelas confortable ? Peut-être pas, si la conjoncture pétrolière mondiale venait à connaître quelques couacs au terme de cette période. Autre indicateur qui fonde la soutenabilité actuelle de la finance publique, les disponibilités du Fonds de régulation des recettes (FRR), estimées à 4842 milliards de dinars à fin 2010. Cette épargne, voulue à l'origine pour parer à d'éventuels chocs extérieurs (baisse des cours pétroliers), sert surtout à combler une bonne partie des déficits artificiels autorisés par des lois de finances qui se basent sur un prix de référence du baril bien plus bas que celui du marché. En termes plus clairs, l'encours des réserves de changes et les disponibilités du FFR, tous deux fruits de la manne pétrolière, sont les indicateurs qui sous-tendent actuellement la viabilité de la finance publique. Sachant que l'exécution du programme quinquennal 2010-2014, cher au président de la République, totalise une dépense de plus de 280 milliards de dollars sur les seules ressources de l'Etat et que la facture d'importation ne cesse d'enfler, atteignant un niveau de 40 milliards de dollars, la sécurisation des finances publiques n'est en fait avérée que sur une période de trois ans. Le hic est que, même s'il n'est pas dit que les ressources pétrolières vont s'amoindrir sur ces trois ans, l'économie domestique demeure des plus fragiles car, jusque-là, le gros de la ressource publique va dans l'infrastructure, alors que la sphère productive attend toujours une hypothétique relance. Ainsi, après près de douze ans de dépenses effrénées, aucune perspective de diversification de l'économie nationale ne se dessine à l'horizon. Les exportations hors hydrocarbures demeurent marginales (un triste petit milliard de dollars) et l'investissement productif reste encore aléatoire, en l'absence de réformes structurelles efficientes. Et tant que la croissance économique ne devient pas le fait d'entreprises créatrices d'emplois et de valeur ajoutée, le pouvoir en place aura naturellement échoué. Les excédents d'argent du pétrole ne peuvent en effet compenser les déficits d'idées et de stratégies.