La loi relative à la médecine du travail est très rigoureuse. Néanmoins, son application dans la pratique est problématique. La sentence d'un spécialiste de cette branche médicale est catégorique : « Aucun employeur public ou privé ne respecte la réglementation en vigueur. » Depuis la visite obligatoire d'embauchage jusqu'aux vaccinations en passant par les visites périodiques ! « Tous les travailleurs sont concernés aussi par ce verdict, soit par ignorance de leurs droits, soit par complaisance, alors qu'ils ne respectent même pas le port des effets de protection individuelle », nous confie un professionnel du service de la médecine du travail au niveau du secteur sanitaire d'El-Khroub. Ce dernier, institué sur les décombres de l'ancien hôpital est dépourvu de moyens rudimentaires d'interventions de dépistage de maladies professionnelles. A l'exception de deux entreprises dotées de centres médicosociaux (CMT et Naftal), tout le reste des unités sont conventionnées avec ce centre qui « est sollicité par les employeurs comme faire-valoir d'obtention du registre d'ouverture exigé par la loi pour le démarrage des activités et puis plus rien », ajoute notre interlocutrice révoltée par le fait que « des ouvriers et des employés viennent faire des consultations aux fins d'obtention d'un arrêt de travail de complaisance » ! Les visites périodiques ont disparu dans le jargon des entreprises beaucoup plus préoccupées par leur rentabilité financière. Néanmoins, l'entreprise des granulats (ENG) et le complexe des tabacs (SNTA) observent le minimum de règles de la médecine en raison des risques élevés liés à la nature de leurs activités réciproques. Pour rappel, la SNTA est traumatisée par la perte, il y a quelques années, de deux ouvriers morts par inhalation de tabac périmé importé d'Inde. Les entreprises des travaux publics sont les plus touchées par l'inobservation de la médecine du travail. Par ailleurs, le centre a dépisté un nombre élevé de cas atteints d'eczéma liés à la manipulation des ciments ainsi que d'autres maladies, telles que la tuberculose, la surdité et l'hépatite. Sous la pression du contrôle des services de l'inspection du travail, des employeurs viennent faire des bilans médicaux inachevés pour les besoins de la justification administrative ! « En vérité, tous les employeurs et tous les personnels de tous les secteurs d'activités, y compris ceux de la santé et des groupes pharmaceutiques ne respectent les règlements en vigueur en la matière », conclut notre médecin qui avoue qu'« un confrère a été apostrophé par l'employeur d'un grande unité après avoir décelé une hausse inquiétante de silicose chez des ouvriers ! » La médecine du travail reste le parent pauvre et les professionnels sont considérés comme des avocats des travailleurs qui dérangent les « intérêts » des employeurs.