C'est dans une salle bondée que le procès des anciens cadres de l'Entreprise portuaire d'Alger (EPAL) s'est ouvert, hier après-midi, au tribunal correctionnel d'Alger. Dans le box des accusés, deux ex-PDG, Ali Farah et son successeur Bourouaï Abdelmalek, ainsi que Zerzaïhi Abdelmadjid, ancien DGA, chargé de l'exploitation, et deux opérateurs privés, Titache Redouane et Miloudi Mohamed. Avec quatre autres inculpés en liberté, dont deux ex-DGA, ils sont poursuivis pour association de malfaiteurs, dilapidation de deniers publics, passation de contrats en violation de la réglementation et faux et usage de faux. Des griefs pour lesquels ils risquent des peines allant de trois à huit années de prison. Une dizaine de témoins et de nombreux travailleurs du port sont présents. L'audience commence par la plaidoirie des avocats qui ont soulevé des vices de forme, demandant l'annulation des poursuites. Certains ont expliqué que l'affaire relève du code maritime et non du pénal, à partir du moment qu'elle concerne une activité liée au domaine de la marine. En fait, il s'agit d'opérations de manutention au niveau du port concédées à des entreprises privées (Mitidja, Maloc, Saâdi et Logistic) «d'une manière illégale et sans autorisation» mais également l'entreposage d'engins de manutention des mêmes sociétés «sans autorisation». Le premier appelé à la barre est Ali Farah. Il a du mal à s'expliquer. D'une voix inaudible et entrecoupée de longs moments de silence, il tente de donner des détails sur la définition des activités du domaine portuaire, en rappelant à chaque fois que l'EPAL n'est qu'un maillon dans une chaîne d'intervenants au sein du port. «En 1998, nous sommes passés d'un système socialiste, où l'Etat fait tout, à un système capitaliste, où c'est le privé qui a pris le relais. Pour désengorger la rade de plus en plus encombrée, le gouvernement a décidé d'ouvrir l'activité de manutention et de levage au privé. La réglementation a défini quelques règles», dit-il. Il précise néanmoins que les opérations ayant trait à cette affaire ne concernent pas son passage à la tête de l'entreprise (entre 1995 et 2005). «Je suis parti à la retraite en 2005. Je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite.» Le prévenu n'arrive plus à articuler les mots, poussant la magistrate mais aussi les avocats répéter les mêmes questions. Le procureur : «Vous avez déclaré que l'intervention du privé a permis à l'entreprise de faire un important chiffre d'affaires, pourquoi n'avoir pas investi dans l'acquisition des équipements ?» Le prévenu : «Il n'est pas de mon ressort de prendre une telle décision.» Il revient sur les prérogatives de l'EPAL en affirmant qu'«elle ne donne que l'autorisation d'occupation du domaine marin, pour les engins, à la suite d'un dossier dans lequel une décision d'activité dans le même secteur est délivrée par le ministère du Commerce». «Nous ne sommes qu'une partie dans la chaîne des nombreux intervenants. Nous n'avons aucune autorité concernant le port…», ne cesse d'expliquer l'ex-PDG. Très affaibli et surtout affecté, il s'arrête à chaque fois pour reprendre son souffle. Il ne semble pas comprendre les questions du juge, portées essentiellement sur le volet technique. Jusqu'en fin de journée, la magistrate n'avait toujours pas terminé l'audition qui doit se poursuivre aujourd'hui avec les autres prévenus…