Branle-bas de combat jeudi à l'Entreprise portuaire d'Alger (Epal). Toute l'équipe dirigeante a été convoquée au parquet de Sidi M'hamed pour une affaire liée à l'exercice « illégal » de trois sociétés privées de manutention à l'intérieur du port, et ce, depuis des années. Une lutte d'intérêts entre les responsables de ces dernières a été à l'origine de l'ouverture d'une enquête menée par les services de la police judiciaire du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), qui a duré moins de quinze jours, à l'issue de laquelle toute l'équipe dirigeante de l'Epal, ainsi que les trois patrons de sociétés privées ont été déférés au tribunal. Après une journée d'audition, le magistrat instructeur a inculpé et placé sous mandat de dépôt l'ancien directeur général de l'Epal, Ali Farah, son successeur (actuel) à ce poste, Abdelhak Bourouai, ainsi que l'adjoint de ce dernier et les trois dirigeants des sociétés privées de manutention. Le magistrat a placé sous contrôle judiciaire trois autres directeurs généraux adjoints chargés de l'exploitation des conteneurs, dont un occupe le poste de président du conseil (mixte) de Dubai Port World Algérie, et un commandant de la capitainerie du port. Des opérateurs privés impliqués Les chefs d'inculpation retenus contre les mis en cause sont, entre autres, « dilapidation et complicité de dilapidation de deniers publics et association de malfaiteurs ». L'affaire concerne en fait les conditions dans lesquelles les trois opérateurs privés ont été autorisés à exercer au sein du port, depuis près de dix ans, dans la manipulation et la manutention des containers, alors que la réglementation, selon toujours nos interlocuteurs, ne le permet pas. Plus grave, un des opérateurs avait importé un engin – Stark Aire – et a entamé son exploitation dès son débarquement du navire, sans aucune autorisation ou document douanier. Certains de ces opérateurs sont actifs depuis 1999, à l'époque où Ali Farah était premier responsable du port et leurs contrats n'ont pas été résiliés par l'actuelle direction, à sa tête le PDG, Abdelhak Bourouai, qui a pris les rênes de l'EPAL il y a moins de deux ans. Les responsables du port se défendent en affirmant que « l'ouverture de ce segment d'activité portuaire est certes non prévue par les textes, mais a été autorisée dès 1999, vu le manque de moyens dont disposait l'Epal à cette époque. Ces opérateurs étaient des prestataires de services. L'Epal prenait les trois quart des revenus, ce qui était important pour la trésorerie de l'entreprise ». Ceci et d'ajouter, en ce qui concerne l'opérateur qui exerçait clandestinement pendant une longue période : « Dès que l'entreprise s'est rendu compte de cette situation, elle a mis fin à cette situation en présence d'un huissier de justice. » Vraisemblablement, l'affaire semble aussi grave qu'elle se présente, vu la manne financière générée par la manipulation des containers au niveau du port d'Alger. Important préjudice Selon nos interlocuteurs, un seul container peut connaître au moins six opérations de manutention depuis son débarquement du navire jusqu'à son chargement sur un moyen de transport pour quitter l'enceinte portuaire. Le prix minimum de chacune de ces opérations avoisine les 7000 DA. Avec 5000 containers/jour manipulés au niveau du port, il est aisé de savoir l'importance du préjudice. Pour nos sources, les colossaux revenues de cette activité « n'ont pas tellement profité à l'entreprise portuaire si l'on se réfère aux bilans de celle-ci. C'est en fait ce qui est reproché aux cadres dirigeants de l'Epal, d'autant que l'activité en question est sa principale mission. Sa cession au privé dans des conditions douteuses porte atteinte à sa survie, surtout que l'entreprise avait les moyens d'acheter des engins et d'éviter de recourir aux privés ». En tout état de cause, l'affaire risque de connaître des rebondissements dans les jours à venir, dans la mesure où personne ne s'attendait aux lourdes décisions du juge, lors de la présentation. Maintenant que l'Epal a été décapitée, qu'adviendra-t-il de l'entreprise, surtout qu'elle est liée aujourd'hui à l'entreprise émiratie Dubai Port, dans l'exploitation des containers. Affaire à suivre…