Bouteflika s'est fait la voix d'un système qui veut garder les choses en main tout en faisant miroiter des réformes qui ne le sont pas. Ce qui était annoncé comme étant des décisions politiques majeures, s'avère être un coup d'épée dans l'eau. Alors que la rue algérienne n'a cessé de gronder depuis janvier dernier, que les appels au changement et au départ du système se relayent jour après jour, le président de la République se présente dans son premier discours à la nation pour annoncer des réformes qui n'ont de concret que le titre. Pas de Constituante, pas de dissolution de l'Assemblée, pas de législatives ni de présidentielles anticipées, pas de démission, et encore moins un retour sur la non limitation de mandats. Le système, par la voix de Bouteflika, affirme qu'il ne cèdera sur rien et que le changement et l'ouverture politique, appelés de tous les vœux, ne sont pas à l'ordre du jour. Gagner du temps, gagner un répit, sont les maîtres mots de ce discours pourtant aux relents de fin de règne pour Bouteflika, mais pas pour le système. Tout en défendant son bilan, tant décrié par les travailleurs de tous les secteurs et par l'opposition, Bouteflika, d'une voix éteinte, vient annoncer une série de mesures dont la profondeur ne dépasse pas la simple promesse de revoir des textes législatifs. La clarté et la solennité du ton qu'impose le contexte actuel au discours présidentiel n'ont pas été au rendez-vous. Le chef de l'Etat évoque une révision de la loi fondamentale sans donner la teneur et encore moins la nature que prendra cette réforme. La Constitution, qu'il a déjà remaniée pour s'autoriser un troisième mandat, sera donc soumise à une nouvelle révision que prendront en charge des experts avec l'association de partis politiques. «Ceci passera par la création d'une commission constitutionnelle, à laquelle participeront les courants politiques agissants et des experts en droit constitutionnel. Elle me fera des propositions dont je m'assurerai de la conformité avec les valeurs fondamentales de notre société, avant de les soumettre à l'approbation du Parlement ou à vos suffrages par la voie référendaire», indique le Président dans son discours. Quelle forme prendra cette révision ? Quels articles seront touchés ? Quels sont ces courants politiques agissant devant s'atteler à concrétiser cette révision ? Bouteflika n'apporte aucune réponse. Le premier magistrat du pays affirme aussi qu'il demandera au Parlement, dont l'existence est réduite à une chambre d'enregistrement et dont la légitimité est pourtant remise en cause par la classe politique, «de réviser l'ensemble de l'arsenal législatif sur lequel reposent les règles de l'exercice démocratique et le libre choix des citoyens». Bouteflika promet de «renforcer la démocratie représentative» en procédant à la révision de la loi électorale. «Nous ambitionnons de mettre notre système électoral aux normes les plus modernes des démocraties représentatives… A cette fin, tous les partis politiques, qu'ils soient représentés ou non au Parlement, seront mis à contribution et consultés en vue d'élaborer le nouveau système électoral», dit-il, en garantissant la supervision des élections par des observateurs internationaux. Le président parle de démocratie représentative, alors qu'il n'autorise pas l'agrément de nouveaux partis politiques. Il évoque aussi une révision de la loi sur les partis «à travers la révision de leur rôle, de leur mission et de leur organisation, afin qu'ils contribuent plus efficacement au processus de renouveau». Encore une fois, Bouteflika reste dans le flou et n'avance aucune piste sur la nature des révisions qu'il avance. Il parle encore d'une refonte du mode d'organisation des associations et du code de wilaya, sans pour autant en expliquer les contours. Si la seule mesure concrète du discours du Président reste la dépénalisation du délit de presse, le maintien de la fermeture de l'audiovisuel confirme la nature oppressive du régime qui prône la fermeture comme moyen de tétaniser la vie politique. D'ailleurs, il entame le chapitre sur «les réformes politiques» par une mise en garde contre ceux qui manifestent chaque jour en rappelant les dires de son ministre de l'Intérieur les accusant d'attenter à la sécurité des Algériens. En décalage avec les revendications de la société, Bouteflika, et avec lui le système, a choisi de prendre le délai qui nous sépare des prochaines législatives comme le sursis attendu jusqu'à ce que ce printemps des révolutions passe. Bouteflika s'est fait la voix d'un système qui veut garder les choses en main tout en faisant miroiter des réformes qui ne le sont pas.