Le FLN compte convaincre Bouteflika de devenir organiquement son président, en prévision des changements que ses animateurs programment d'apporter à ses instances mais, surtout, des décisions que risquerait de prendre le chef de l'Etat pour pérenniser son pouvoir et son règne. Le FLN a décidé de reprendre les anciennes appellations de ses instances, celles qui lui rappellent et rappellent à tous qu'il a été le seul véritable instrument de propagande du système politique d'avant et d'après l'indépendance. Invité hier de la radio, Abderahmane Belayat - un apparatchik de premier ordre - a fait savoir à cet effet, que l'ex-parti unique va se «départir» du Conseil national pour se «réapproprier» le Bureau politique et le Comité central qu'il a abandonné en 2005 pour des considérations d'adaptation à des exigences conjoncturelles. Ce retour à ces «symboles» organiques de pouvoir n'a rien de fortuit. Il est décidé au moment où des changements importants pourraient être apportés dans la sphère politique nationale. L'exploit que le FLN tient à réussir est celui de transformer le titre de président d'honneur qu'a Bouteflika au sein du parti, par un autre, organique et structurel. «Nous voulons créer un poste de président du parti et proposer au président de la République de l'occuper», a déclaré Belayat. «Nous ne voulons pas en priver le parti mais, en même temps, nous ne voudrions pas gêner le président qui est celui de tous les Algériens», a-t-il indiqué. Belayat a pris le soin de rappeler le parcours de ce qu'il qualifie de 1er militant du FLN. «Si Bouteflika n'a jamais ni quitté ni abandonné le FLN même dans les moments difficiles. Il a été son député après l'indépendance, il a occupé le poste de ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement, il a été sous Chadli, ministre conseiller et membre du Bureau politique, il a mené campagne pour le parti pour les municipales du 12 juin 90, à Blida, Tipaza et Alger», raconte-t-il. La décision d'en faire la demande au chef de l'Etat a été retenue à l'unanimité par le Conseil national. «C'est à lui de décider», note Belayat qui n'a pas manqué de souligner que «le passage au pluralisme politique n'a pas été bien préparé». Ainsi, le FLN semble prendre ses devants et ses précautions en cas de changements, que des sources crédibles affirment être évoqués par Bouteflika depuis sa réélection à une troisième mandature présidentielle. L'on continue toujours de rappeler qu'un parti pour Saïd Bouteflika n'est pas une chose impossible. «L'idée est, en tout cas, présente dans les esprits de la famille», affirme-t-on même «si pour l'instant, sa faisabilité suscite l'étonnement». Une fois sortie à la lumière du jour, l'idée, faut-il le signaler, a suscité de grandes interrogations au sein des partis à commencer par le FLN. «Nous avons tenu une réunion avec Belkhadem pour en savoir plus, mais il nous a dit qu'il n'en est rien de tout cela. Ce qui ne veut pas dire qu'on est rassuré, on s'attend à tout à n'importe quel moment», nous a dit un membre influent du FLN. Le RND ou le MSP ne sont pas plus rassurés ni plus informés et ont été tout autant secoués par la nouvelle. En attendant, les voix du cercle bouteflikien restent impénétrables. Des alliances contre nature Autre éventualité que les partis appréhendent, une restructuration des institutions de l'Etat qui n'est pas non plus à exclure. Le débat sur une autre révision de la Constitution refait surface dans des milieux qui savent au moins que le président devait, par la dernière révision, supprimer le Conseil de la Nation, dissoudre l'APN et appeler à des élections anticipées en mai dernier. Mais que les choses ont été changées en dernière minute, l'imprévisibilité et la brutalité dans la prise de décision chez Bouteflika étant une seconde nature. Et c'est ce trait de caractère qui semble peser sur toutes les attitudes de ceux qui l'entourent en les poussant à tergiverser sur des questions fondamentales jusqu'à contredire leurs principes propres. L'alliance affichée entre le RND et le PT s'inscrirait, a priori, dans cet ordre. Fondamentalement opposés, ces deux partis se trouvent du coup des affinités assez profondes pour que le second donne une consigne de vote en faveur du premier en prévision des prochaines sénatoriales. Ce soutien, quelque peu prémédité, répondrait aussi à d'autres revers politiques. Il semble s'inscrire comme caution à la personne du Premier ministre qui, aux dires de certains hauts responsables, devait quitter le poste «il y a bien longtemps». Des faits conjoncturels ont fait qu'Ahmed Ouyahia soit placé au-devant de la scène politique par le président de la République même. L'on dit que le (re)cadrage de son rôle par les soins de Bouteflika intervient au lendemain de la triste affaire du diplomate Hassini que Paris a fait vivre à Alger sans aucun scrupule de conscience du domaine diplomatique. Ce qu'El-Mouradia ne pardonnera pas facilement. La loi de finances complémentaire -que l'on dit confectionnée sous le commandement d'Ouyahia - aurait été, dans ce sens, une première réponse à «l'impudence» de l'Elysée. A la lecture de la LFC pour 2009, la France s'était mise dans tous ces états et aurait même tenté de forcer la main aux responsables algériens pour atténuer l'esprit de ses dispositions. Peine perdue, l'affront fait par l'interpellation du diplomate alors en poste au niveau du MAE algérien étant trop lourd à supporter. «Mais personne n'est à sa place dans ce pays !» «Il y a l'affaire Mecili (...), et bien d'autres complications», nous a répondu Bernard Kouchner, le MAE français, au début de ce mois au siège de l'OTAN à Bruxelles à propos du refroidissement des relations entre l'Algérie et la France. L'on dit même que Paris aurait suggéré à Bouteflika de se débarrasser de son Premier ministre parce qu'il a sanctionné les entreprises françaises. Pour l'instant, le président garde son Premier ministre et le charge de recevoir «les émissaires» français de quelque niveau qu'ils soient. Il le leur impose ainsi comme interlocuteur direct et unique. Il l'a bien été pour beaucoup d'élus et aussi pour la présidente du Medef, Laurence Pariso, dont la demande d'être reçue à El-Mouradia n'a pas eu de suite. Paris estime que la visite du Medef avec un aussi grand nombre de chefs d'entreprises est un signe de réconciliation avec Alger. Dans les milieux de la capitale de l'Europe, Bruxelles, on a même entendu dire qu'avant de recevoir le président égyptien Moubarak, à l'Elysée, le 14 décembre dernier, le président Sarkozy lui avait demandé d'arrêter la méchante campagne contre l'Algérie. Les deux présidents devaient discuter ensemble de la composante du secrétariat de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Une initiative dans laquelle l'Algérie a inscrit de grands projets économiques que la France veut bien voir réalisés. Ceci étant dit, bien qu'Ouyahia a gagné pour l'instant une manche, le changement de gouvernement reste toujours d'actualité même si le président avait lâché qu'il n'avait pas trouvé d'hommes pour remplacer les partants. Une fois passé le coup de gueule de Bouteflika vis-à-vis de Paris, les supputations reprennent pour laisser entendre entre autres, que Belkhadem risquerait de passer Premier ministre, que Bensalah prendrait la place du MAE, Medelci, qui, lui, prendrait le ministère des Finances pour laisser partir Djoudi comme gouverneur de la banque d'Algérie. D'autres corrigent pour donner Bensalah comme président du Conseil constitutionnel en remplacement de Boualem Bessayah qui quitterait son poste pour des raisons de santé. «Le problème est que le président reste l'otage des partis quand il veut changer, ils lui proposent des noms qui le mettent en colère», nous a dit un proche de Bouteflika qui regrette le changement du poste de chef de gouvernement par celui de Premier ministre. «Il devait supprimer le Conseil de la nation, il aurait dû le faire !», a noté notre interlocuteur. L'on dit qu'en été, une liste de noms lui a été remise par les partis de l'Alliance présidentielle en prévision d'un changement de gouvernement. «Il lui a été dit que beaucoup de noms traînent de lourds dossiers», nous affirme-t-on. L'on rappelle à l'occasion, l'anecdote dont l'auteur est Mahmoud Khoudri que le président avait nommé après 1999, ministre de l'Industrie. Khoudri avait, dit-on, avoué son incompétence à gérer un tel secteur. Il a demandé à être chargé des relations entre le gouvernement et le Parlement. «Si Khoudri, vous avez demandé à changer de poste parce que vous estimez que vous n'êtes pas à votre place, mais personne n'est à sa place dans ce pays», lui a lancé le président lors d'un Conseil des ministres. Il est dit ici et là que le PT risquerait cette fois-ci de participer dans le gouvernement. Belayat n'a pas exclu que d'autres partis pourraient venir renforcer l'Alliance présidentielle. En plus du biométrique qu'il a mis au point pour réactualiser toutes les «fiches» individuelles, le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, aura, nous dit-on, la tâche d'accréditer quelques nouveaux partis «pour avoir beaucoup plus de monde en cas de besoin».