Après bien des tergiversations dans un contexte national d'ébullition sociale extrême et une conjoncture régionale révolutionnaire, le pouvoir, par la voix du chef de l'Etat, vient de faire une série d'annonces de réformes institutionnelles. Conçues dans une démarche d'octroi, loin de toute concertation avec les acteurs politiques et sociaux en présence, les réformes, dont le contenu n'est pas révélé, ne sont assorties d'aucun mécanisme de garantie ou d'échéance précise. Un domaine aussi déterminant que la révision constitutionnelle est confié à un collège d'experts dont les propositions devront être filtrées à l'aune des éternelles valeurs et constantes dont le régime considère incarner la conscience. Bien qu'elles expriment un aveu d'échec avéré du bloc politique jusqu'ici en charge de la gestion du pays, les mesures annoncées sont confiées à la discrétion d'un personnel politique inamovible depuis l'indépendance. Dans une analyse erronée, le pouvoir veut, après coup, s'approprier la revendication populaire du changement démocratique pour mieux occulter la forte contestation dont il est l'objet et disqualifier les forces du changement, notamment auprès de l'opinion internationale pour éviter d'aggraver son isolement diplomatique. La révolte sociale multiforme qui déborde dans la rue est superbement ignorée par le discours. La crise multidimensionnelle où le régime a plongé le pays est réduite à une question de révision des lois. Ce faisant, le pouvoir refuse de reconnaître sa responsabilité dans la suspension déguisée de la Constitution notamment son chapitre IV. Avant de nous gaver d'espoir de réformes, le pouvoir devrait lever un état d'exception de fait qui a gelé arbitrairement des droits et libertés déjà consacrés par la Constitution et les lois existantes comme la liberté d'organisation en association, syndicat, parti politique, celle de manifester… La démarche ne formule aucune réponse sur le rôle dévolu à l'institution militaire dans le futur. Décidemment, ce premier discours est encore inscrit dans la sauvegarde du régime et prioritairement dans la prise en charge de l'évolution de ses luttes claniques au détriment de l'exigence historique de changement loyal pour sortir définitivement le pays des soubresauts d'un régime anachronique. Pour autant, les citoyens et les forces démocratiques n'ignorent pas que cet engagement du chef de l'Etat est aussi le résultat d'un rapport de force national et international qu'il leur incombe, dans l'union, de consolider et d'élargir. En matière de droits et libertés, rien ne se donne, tout se conquiert. Mettre en place l'Etat de droit, consacrer l'égalité des droits entre l'homme et la femme, asseoir l'équilibre et la séparation des pouvoirs, inscrire l'égalité de traitement entre les langues arabe et tamazight, mettre la religion à l'abri des spéculations politiciennes, préserver l'armée de tout rôle politique, garantir le respect de la volonté populaire sont autant de pistes qui peuvent mener à la résurrection de l'Algérie.
Les porte-parole : Abdesselam Ali-Rachedi, Ali Brahimi, Tarik Mira, Hamid Ouazar, Yasmina Si Abderrahmane