Visages brimés, yeux enfoncés, têtes voilées. Elles sont une dizaine et forment un petit groupe devant le siège de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme (CNCPPDH, officielle), sous une pluie battante et un air glacial, en cette matinée de samedi. Debout en face de la placette Addis-Abeba à Alger, à quelques enjambées de l'ambassade de Grande-Bretagne, ces femmes, vieilles en majorité, martyrisées par la disparition de leurs enfants durant les années 1990, se sont fait un point d'honneur d'être présentes sur les lieux du rassemblement, auquel ont appelé les associations des familles de disparus. Elles ont ainsi tenu à célébrer le 57e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme - prononcée le 10 décembre 1948 - dans la rue, symbole de la contestation. Manière, à elles, de dire à qui veut les entendre qu'elles ne sont ni lassées ni prêtes à se taire. Des banderoles ont été exhibées sur lesquelles on pouvait lire : « Où est la justice ? », « Où sont les droits de l'homme ? » ou encore « Où sont passés nos enfants ? » Certaines femmes portaient des pancartes sur lesquelles étaient agrafées les photos de leur progéniture. Les manifestantes, en dépit de leur petit nombre, ont scandé des slogans hostiles aux décideurs du pays et à Mustapha Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH. Comme par exemple : « Ksentini ya lkedhab, ouarahoum houqouq el insane (Ksentini le menteur, où sont les droits de l'homme) », « Yahoukam bladna, ouarahoum ouled na ? (gouvernants de notre pays, où sont passés nos enfants ?) »... Au fur et à mesure que le temps passe, d'autres femmes arrivent et rejoignent le groupe qui grandit. D'autres militants des droits de l'homme et des militants du FFS sont là en guise de soutien à ces femmes qu'« on laisse mourir à petit feu », pour reprendre le commentaire d'un militant politique. La présence policière se fait discrète. Les passants marquent une halte pour satisfaire leur curiosité. Slogan après slogan, cri derrière un autre, les manifestantes demandent la vérité, toute la vérité, sur leurs enfants portés disparus. C'est le vœu de cette vieille femme de 73 ans, venue, malgré le poids de son âge, assister à ce rassemblement qui symbolise, à ses yeux, « la poursuite du combat pour que nous arrachions nos droits et connaissions la vérité sur la disparition de nos fils ». Cette vieille, qui a vu son fils se faire enlever par des agents « cagoulés », dit qu'elle a été même torturée en 1997. Le rassemblement se termine dans le calme, les manifestantes rentrent chez elles, le cœur toujours brisé et le visage froissé. Elles se donnent rendez-vous pour le mercredi prochain, au même lieu.