Séisme de 3,1 à Mihoub, dans la wilaya de Médéa    Ligue des champions/MC Alger-Orlando Pirates 0-1: le "Doyen" rate le coche    Destruction d'un drone armé de reconnaissance ayant pénétré l'espace aérien national    2e jour de l'Aïd El-Fitr: large adhésion des commerçants et opérateurs économiques au programme de permanence    CAF /CS Constantine-USM Alger : un duel algérien aux allures de finale continentale    Meziane et Sidi Saïd présentent leurs vœux à la famille de la presse nationale à l'occasion de l'Aïd El-Fitr    Mouloudji partage la joie de l'Aïd avec les enfants malades du cancer et les personnes âgées    Epoque coloniale : le liège algérien, une ressource pillée au profit des colons    La permanence pendant les jours de l'Aïd, un engagement professionnel pour garantir la continuité du service public    Aïd el Fitr : MM. Meziane et Sidi Saïd en visite à l'APS    Coupe d'Algérie de marche sur route : l'édition 2025 le 12 avril à Melbou    La plupart des bureaux de poste ouverts mercredi    France: la condamnation de Marine Le Pen par la justice française saluée    Ghaza : le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 50.357 martyrs et 114.400 blessés    France: la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen reconnue coupable de détournement de fonds publics    "Le couscous, racines et couleurs d'Algérie", nouvel ouvrage de Yasmina Sellam    La mosquée Emir-Abdelkader de Constantine, un phare de la foi et du savoir scintillant de mille feux durant le mois de Ramadhan    Arrivée du président de la République à Djamaâ El Djazaïr pour accomplir la prière de l'Aïd El Fitr    Remise en service du train de voyageurs    Football : Suède – Algérie en amical début juin à Stockholm    Le MOB a fait trembler le CRB    Le représentant du département technique en Algérie    Quelles sont les stipulations relatives à l'exigence de capacités minimales en matière de procédure de passation de la commande publique ?    Ooredoo partage un Iftar de solidarité avec l'Association des handicapés moteurs    L'exode sans fin des Congolais    Arrestation de deux dealers en possession de 9000 comprimés de Prégabaline 300 mg    Un plan sécuritaire spécial Aïd El-Fitr    Le ministre des Finances inaugure les bureaux de change    Les pertes de Kiev ont dépassé les 70.000 militaires    « L'industrie génétique américaine est pionnière dans le partage de son savoir-faire »    La bataille de Djebel Béchar, un acte d'une grande portée historique    Le TNA rend hommage à plusieurs figures du théâtre algérien    Le régime des laïcards français partage l'obsession du voile avec son égal islamiste    « L'Algérie et la question des territoires historiques : un droit à la revendication ? »    «La Présidente de la Tanzanie se félicite des relations excellentes unissant les deux pays»    « Préservons les valeurs de tolérance et de fraternité »        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'héritage du printemps berbère
Mouvement contestataire estudiantin
Publié dans El Watan le 20 - 04 - 2011

Portées par une génération d'intellectuels et d'artistes engagés dans le combat démocratique, tels que Mouloud Mammeri, Tahar Djaout, Matoub Lounès, mais aussi et surtout par de jeunes syndicalistes émanant du mouvement estudiantin, les manifestations du Printemps berbère de 1980 constituent, à n'en pas douter, le premier grand soulèvement populaire contre l'injustice, le déni identitaire et l'oppression depuis l'indépendance du pays.
A l'avant-garde du combat, l'université de Tizi Ouzou a, à l'évidence, joué un rôle déterminant dans le déclenchement de cette lame de fond qui a ébranlé un pouvoir longtemps retranché dans ses certitudes. Il est vrai que nombreux étaient les collaborateurs de Houari Boumediène à redouter que de l'université de Tizi Ouzou, fraîchement construite, n'émerge des revendications, notamment identitaires, pouvant produire l'effet d'une bombe dans la région avec tous les risques d'ondes de choc pouvant atteindre de nombreuses contrées d'un pays en quête de démocratie. Les craintes de ces suppôts du régime de l'époque s'avéreront tout à fait fondées, puisque deux ans après l'ouverture de cette université, de jeunes syndicalistes de la communauté estudiantine, outrés par une grave maladresse du pouvoir (interdiction d'une conférence de Mouloud Mammeri), parviendront à faire descendre l'ensemble des étudiants et, un peu plus tard, toute la Kabylie dans la rue pour porter haut des revendications identitaires et politiques que le régime dictatorial avait réussi à faire taire à coups d'emprisonnements et autres moyens de répression.
La création en 1978 de l'université de Tizi Ouzou avait en effet permis à bon nombre d'enseignants et étudiants originaires de Kabylie de se retrouver et, surtout, de mener une réflexion commune sur leur identité, leur langue et leur culture en général. Il faut se souvenir qu'à cette époque, l'idéologie arabo-baâthiste portée par les plus hauts dignitaires du parti unique ne tolérait aucune autre forme d'expression que l'arabe, allant jusqu'à interdire l'enregistrement de prénoms berbères à l'état civil et, parfois même, sanctionner ceux qui osaient écrire en caractères berbères. Confortés dans cet autoritarisme qui, avaient-ils cru, leur a permis de mettre une chape de plomb sur les réalités culturelles, linguistiques et identitaires d'une très large partie du peuple algérien, le pouvoir commettra une maladresse de trop, en interdisant, le 10 mars 1980, une conférence que devait donner à Tizi Ouzou l'écrivain et ethnologue, Mouloud Mammeri, à propos de son nouvel et désormais célèbre ouvrage Poèmes kabyles anciens. Les autorités locales, sans doute instruites par de hauts dignitaires du régime, avaient tout fait pour que l'activité n'ait pas lieu, redoutant probablement que cette conférence sur de «suspects» poèmes berbères ne soit qu'un prétexte pour instaurer un débat susceptible de remettre en cause le prétendu consensus sur l'arabité de l'ensemble du peuple algérien.
Pour la communauté universitaire de Tizi Ouzou, c'est un grossier déni de droit à l'encontre de cet intellectuel admiré pour la richesse de son travail, non seulement par les étudiants de la région, mais aussi par de nombreux autochtones qui avaient pris pour habitude de le désigner sous l'affectueux sobriquet de «Dda L'Mouloud». C'était la goutte qui avait fait déborder le vase, ouvrant la voie aux hostilités entre étudiants et forces de l'ordre, très vite relayées par un mouvement populaire sans précédent qui allait déborder des limites de la ville de Tizi Ouzou pour affecter toutes les régions berbérophones et la capitale. Une manifestation de protestation est improvisée. Quelque cinq cents étudiants clament haut et fort leur indignation. Les habitants de la ville, d'abord par curiosité puis par conviction, s'y joignent. Les manifestations prendront de l'ampleur au fil des jours et gagneront en organisation, en dépit de la féroce répression qui s'était abattue sur eux, comme en témoigne le professeur en économie, Mohand Chaâllal, qui fut un des acteurs de ce mouvement de contestation.
Outre la volonté d'en découdre avec l'autoritarisme sectaire dont avait été victime Mouloud Mammeri, les universitaires avaient également clairement affiché leur détermination d'en finir avec la clandestinité qui leur était imposée lorsqu'il s'agit d'aborder la question du patrimoine littéraire, culturel et linguistique berbère dont est fortement imprégnée une très large composante du peuple algérien. De par ses apports multiformes (formulations claires des revendications identitaires et des aspirations à la démocratie), ce soulèvement populaire, qui prendra le nom de «Printemps berbère», constitue un précieux héritage politique, une véritable école du combat démocratique pour la Kabylie, aujourd'hui à l'avant-garde de toutes les luttes pour la revendication de la reconnaissance de la langue berbère et, plus largement, de la démocratie. Un combat qu'avaient du reste continué à mener les étudiants de l'université de Tizi Ouzou pour récupérer les pouvoirs politiques et syndicaux qui leur avaient été confisqués par une administration aux ordres du régime. Ils y avaient également mené un combat pour l'autonomie de gestion de certaines activités inhérentes à l'université, comme l'animation culturelle, le choix démocratique de leurs représentants ainsi que le choix souverain de la nature et du contenu des activités à organiser.
Au terme d'une lutte acharnée contre l'administration de l'université dépendant directement du FLN et de ses organisations satellites, les étudiants sont parvenus à arracher ces droits qui leur permettent aujourd'hui de prendre en main l'essentiel de leurs affaires et d'instaurer une relative démocratie dans le campus. Parmi les combats salvateurs menés par les héritiers du Printemps berbère, celui visant à contrecarrer l'arabisation intensive du système éducatif, est, sans aucun doute, le plus emblématique. En réussissant à maintenir le français comme langue d'enseignement au sein de l'université, les étudiants épaulés par des professeurs émérites, tels que Mohand Ouameur Oussalem et Tellili, sauveront bon nombre d'étudiants de l'enseignement au rabais qu'aurait pu induire l'arabisation démagogique que l'administration aux ordres du pouvoir s'apprêtait à imposer avec beaucoup de zèle. La tendance aux contestations populaires inaugurée par le Printemps berbère continuera à faire école en Kabylie, avec, notamment, la très massivement suivie «grève du cartable» de septembre 1994 qui a affecté pratiquement toutes les écoles des contrées berbérophones pour exiger et, enfin de compte, obtenir l'enseignement de la langue amazighe dans les écoles publiques.
En 2001, la Kabylie, provoquée par l'assassinat d'un collégien dans les locaux d'une gendarmerie et par le traitement méprisant réservé à cet incident par le ministre de l'Intérieur, se révolte encore une fois contre le système. La contestation, portée par un mouvement citoyen d'inspiration ancestrale (aârouch), fortement animée par des enseignants et des étudiants des universités de la région et, notamment, celles de Tizi Ouzou et de Béjaïa, durera plusieurs mois. Elle fera école en matière de revendications à caractère politique et social avec la célèbre plateforme d'El Kseur, brûlante d'actualité aujourd'hui encore. Dans les campus universitaires, les étudiants portent toujours en eux la flamme du Printemps berbère, savamment entretenue par un riche répertoire de poèmes et de chansons glorifiant l'événement. Le besoin de provoquer le changement alimenté par la fougue de la jeunesse est également toujours vivace, en dépit de toutes les tentatives de récupération effectuées par le pouvoir (caporalisation du mouvement syndical estudiantin, islamisation, surveillance, noyautage, etc.). Et c'est fort de l'héritage du Printemps berbère qu'une bonne partie des étudiants, notamment ceux des universités d'Alger, Boumerdès, Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, ont rejoint massivement la rue le 12 avril 2011 pour remettre en cause le système éducatif et, plus largement, le régime politique en place. Sur le parcours semé d'embûches de cette courageuse manifestation estudiantine, bon nombre d'observateurs ont cru sentir comme un parfum du Printemps berbère.
Djamila Fernane. Post-graduante;Université de Tizi Ouzou


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.