Malgré le vent d'instabilité qui règne en Tunisie, et en dépit des appréhensions des uns et des autres, la 3e édition de la Fashion Week de Tunis s'est tout de même déroulée, la semaine dernière, à l'Acropolium de Carthage. Cet événement annuel a regroupé pas moins de dix-sept créateurs tunisiens et étrangers, venus exhiber leur garde-robes. Placé sous le signe de la liberté, de la beauté et de l'évolution, les acteurs du secteur du textile et de l'habillement ont tenté de promouvoir leur image, à l'échelle locale et internationale. La Tunisie, longtemps reconnue pour sa maîtrise en tant que fabriquant pour les plus grandes marques mondiales, a dévoilé de nouvelles collections signées par des stylites anonymes et connus. De l'avis des organisateurs et des participants, cette édition a été d'une réelle opportunité d'échange et d'affaires pour les professionnels du métier. Les stylistes tunisiens ont su démontrer la richesse créative et artistique dans le domaine du design et de la haute couture. Cette édition, activement soutenue par des créateurs et des professionnels de Tunisie et de pays réputés dans l'univers de la haute couture, à l'instar de la France, des Etats-Unis et de l'Espagne, a été une totale réussite. Cette participation a offert la chance aux jeunes créateurs en herbe de se frotter aux créateurs de la trempe de Custo, Soucha, Fred Shatal, Nathalie Garçon, Olivier Swan ou Haythem Bouhamed ou encore de Sleem Kekih. Les collections de fin d'études des promotions 2010-2011 du collège Lasalle Tunis et de l'école ESMOD ont été également proposés pour mettre en valeur les créations des jeunes stylistes tunisiens. Cette 3e Fashion Week de Tunis a été étrennée par la collection printemps-été du designer tunisien, établi à Koweït, Sleem Fekih. Pour les besoins de sa nouvelle collection appelée «Révolution dans le monde arabe», le styliste a fait appel à quatorze mannequins femmes et un mannequin homme baptisé «Gladiator». Cette collection, qualifiée de «puissante et créative» par les connaisseurs, s'est inspirée de la vague de liberté et d'évolution, qui a touché, ces dernières années, le monde arabe. En témoignent ces formes et ces lignes strictes mises en valeur à côté d'une ligne de vêtements plus fluide et colorée. La styliste française, Fred Sathal, prendra le relais en exhibant sa garde-robe. Une garde-robe essentiellement axée sur des bouillonnements de tissus et de couleurs à la fois tendres, faisant glisser plus d'un dans l'univers fantastique de la poésie et de l'attachement. Sa collection sophistiquée intitulée «Le temple de l'âme » a levé le voile sur des pièces uniques de fils arrachés et de paillettes, portées le jour. Pour sa part, le créateur tunisien, Soucha Mlihigue, installé au Caire et diplômé de l'Academia della Moda, a présenté une collection printemps-été 2011 intitulée «Gladiateur futuriste». A ce propos, il explique qu'il s'est inspiré de la révolution dans le monde arabe. Sa collection s'est déclinée en des robes longues qui moulent le corps, ou très courtes, des lignes aériennes, une touche de féminité sensuelle, des dos nus profonds et du métal presque griffé sur la peau. Soucha Mlihigue est connu dans le monde de la mode pour avoir créé les tenues de stars arabes, telles que Samira Saïd, Latifa Arfaoui ou encore Assala. Il a lancé un appel urgent aux mécènes et aux sponsors pour soutenir les créateurs tunisiens. Le rideau de la Fashion Week est tombé avec la ligne coquette du designer espagnol Custo clean, appelée «But not really» dans automne-hiver 2012. Sa palette de couleurs monte du clair au plus vif dans sa ligne pour femmes. «La fusion des couleurs, du graphisme et des matières donnent le cachet de ses créations», argue-t-il. Ses petites robes légères sont créées avec des fils de laine, des tissages faits main et de la viscose. Ses créations pour homme avec du strech sont un mélange de structures «presque subliminal et très graphique ». Le créateur tunisien, Mehdi Kallel, s'est illustré, quant à lui, avec sa ligne «Paix entre les trois religions monothéistes». Il s'est inspiré de modèles et de détails de costumes puisés de rituels religieux avec des touches de doré, «symbole de la lumière et la paix qui devrait régner dans le monde». Une robe a particulièrement ému le public : il s'agit de la robe drapeau rouge de la Tunisie en forme d'oiseau, incrustée dans le dos de perles et cristaux «symbole de liberté». A l'issue de cette Fashion Week, une grande nouveauté a été annoncée : la Fashion Week de Tunis sera désormais organisée deux fois par an : la collection automne-hiver en octobre et la collection printemps-été en avril, car… la mode tunisienne commence, incontestablement, à sortir ses multiples griffes.