Les Etats-Unis ont affirmé à la fin de la semaine écoulée, être prêts à utiliser des drones armés pour effectuer en Libye des frappes contre les forces d'El Gueddafi. Le drone est un avion sans pilote utilisé dorénavant dans l'activité civile et, surtout, militaire. Dans sa version militaire, le drone de combat, en anglais, «unmanned combat aerial vehicle (UCAV)», est conçu pour le renseignement, les frappes au sol, les bombardements, et dans un proche avenir pour l'affrontement aérien. Ces avions-robots, de dimensions modestes lors de leurs premières apparitions, dans les années 1980 du siècle dernier, sont désormais des appareils qui peuvent être aussi gros que des avions de transport civil. En effet, le modèle le plus imposant, le Global Hawk de Northrop Grumman, destiné à la surveillance, a une immense envergure de 38 mètres. Ces avions-robots sont massivement utilisés par l'armée américaine depuis 2004 en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. Robert Gates, le secrétaire à la Défense américain se veut rassurant à propos de l'entrée en guerre de ces machines en Libye en affirmant que les drones permettraient des frappes plus précises qui éviteront donc les victimes civiles. On se doute bien que de tels propos relèvent plus de la profession de foi propagandiste et que la réalité a toujours été plutôt sanglante pour des populations civiles prises dans l'engrenage de la guerre. Les fameuses «frappes chirurgicales» qui ont, en de très nombreuses fois, endeuillé par centaines des familles irakiennes dès la première guerre du Golfe, étaient aussitôt et cyniquement qualifiées «dommages collatéraux» dès lors que les atteintes à l'intégrité physique de la population sont susceptibles de porter atteinte à l'image de marque des Etats-Unis. «Dommages collatéraux» Le même scénario est en train de se répéter avec les drones. De source officielle américaine, on fait état de près de 600 morts, suite à des attaques menées par les avions sans pilote sur des cibles terroristes surtout au nord-est de l'Afghanistan et au Pakistan depuis 2004. Ces raids n'auraient fait que 14 morts parmi les civils durant ces sept dernières années. Mais comme c'est la CIA qui gère cette guerre du futur, il y a lieu de prendre en considération toutes les révélations qui n'ont jamais manqué de montrer un peu plus tard le véritable visage des guerres américaines contre les populations du globe. On retiendra bien évidemment l'immense forfaiture de l'argumentaire des armes de destruction massives qui ont servi à l'envahissement de l'Irak en 2003. Ce pays est détruit et sa population martyrisée. Ce sont pourtant les révélations faites par WikiLeaks depuis maintenant quelques années qui démontrent, on ne peut mieux, l'effarant cynisme et la terrible froideur des dirigeants américains à l'égard de populations sans défense que leurs armées peuvent écraser impitoyablement au nom de leurs intérêts supérieurs.Comment pourra-t-on faire la guerre aux troupes d'El Gueddafi sans occasionner des pertes civiles ? Comment cela serait-il possible, en plus avec des robots guidés à partir de la base aérienne de Creech implantée là-bas, très loin dans le désert du Nevada. En effet, les avions lanceurs de missiles qui attaqueront en Libye seront pilotés par des «soldats» en bras de chemise et cravate confortablement assis derrière un écran et armés de console, manette et autres boutons. Ils n'ont besoin ni de treillis ni de godasses et encore moins de bardas ou de fusils-mitrailleurs. L'enjeu économique Ces «militaires» de la 432d Air expeditionary Wing, cantonnés à des dizaines de milliers de km du lieu du combat, ne connaîtront ni le froid ni la chaleur et encore moins la sueur et la poussière. En Libye, de tels instruments de la mort peuvent causer des sinistres plus dévastateurs qu'ailleurs parce que la guerre est forcément une guerre urbaine. En fait, les Américains ne se préoccupent pas des civils et leur souci de protection et de préservation des droits humains ne va pas plus loin que les intérêts qui justifient leur domination du monde. Le drone est une arme qui va se développer indéfiniment. Selon Joe Pappalardo, de la revue Popular Mechanics, dont l'article a été repris par le Courrier international du 29 juillet 2010, les Etats-Unis sont d'ores et déjà sur un programme-drone qui court jusqu'en 2047 et qu'ils ont investi 5,4 milliards de dollars en 2010. En d'autres termes, un marché immense de nouvelles armes vient de s'ouvrir. A prendre donc en considération aussi bien l'aspect stratégique que l'aspect économique si l'on considère en plus les retombées dans le domaine civil. Alors, il faut profiter de toutes les guerres pour améliorer les performances du drone. En langage clair, l'armée américaine va encore faire de l'expérimentation au réel, comme pendant les guerres d'Irak, d'Afghanistan, de la corne de l'Afrique et comme en 1945 avec le largage des bombes nucléaires sur le Japon.