Bloquées à Casablanca depuis des mois par un imbroglio administratif européen empêchant leur retour en France, quatre éléphantes d'Asie risquent l'euthanasie. Mais les Marocains se mobilisent pour sauver leur peau. Au pied du phare d'Al Hank sur la corniche de Casablanca, Byra, Dana, Belinda et Sabine sont devenues la triste attraction des promeneurs du dimanche. Les enfants, amusés et fascinés par ces demoiselles de quatre tonnes à qui ils lancent des poignées de cacahuètes salées, ne savent pas qu'elles sont en danger de mort. Ce fait divers tragi-comique de quatre éléphantes de cirque, bloquées depuis des mois au Maroc par un imbroglio administratif européen empêchant leur retour en France, fait les choux gras de la presse et des télévisions locales. Et pour cause, leur dresseur, à bout de ressources et d'espoir, craint d'être obligé de les euthanasier. Oui, les occire froidement pour défaut de visa, un peu comme ces légions d'immigrés clandestins qui se noient dans les eaux tumultueuses du détroit de Gibraltar, faute d'avoir obtenu le fameux sésame pour l'eldorado européen. Parti de Montauban en 2005, leur maître, Josef Gartner, dont le nom d'artiste est Joy, s'était rendu avec ses éléphantes en Roumanie où il a travaillé dans un cirque avant de faire une tournée en Tunisie puis au Maroc. Cela faisait quatre ans qu'il errait de pays en pays en roulotte avec sa petite famille et ses chers pachydermes. Ils ont tous échoué au Maroc pour un dernier spectacle du cirque Pinder. Joy explique à qui veut l'entendre qu'il est otage d'une sombre directive européenne empêchant l'entrée dans l'Union d'animaux sauvages en provenance d'Afrique ! Les éléphantes ont été enregistrées à Toulouse et ont obtenu toutes les autorisations médicales et vétérinaires pour franchir les frontières. Un problème persiste : le carnet ATA, document douanier pour les opérations de transit, délivré par la Chambre de commerce de Marseille et autorisant le transit du matériel et des quatre éléphantes, n'est plus en règle. Pour obtenir un nouveau carnet, Joy doit effectuer un départ à partir d'un pays membre de l'Union européenne (UE). Et le Maroc, pourtant limitrophe de l'Espagne, et tout fier de son statut avancé avec l'UE, ne le permet pas. Comme le Maroc n'a pas de législation compatible avec celle de l'Union européenne concernant les animaux de cirque, de zoo et d'expositions auxquels l'accès à cette zone est autorisé à une liste restreinte de pays (Canada, Chili, Nouvelle-Zélande, Croatie et Suisse), une des solutions serait que le dresseur accepte de se rendre avec ses pachydermes dans un pays ayant un accord avec l'UE. De là, après une période de quarantaine, ils pourraient de nouveau rejoindre l'Union. Cette proposition a été faite au dresseur qui l'a jugée trop chère et difficilement envisageable : aucune compagnie maritime permettant le transport des éléphants ne quitte le Maroc vers de telles destinations. En attendant, Joy et ses quatre proboscidiens continuent de squatter un terrain vague casablancais et de subir le grand cirque de la bureaucratie européenne.