Qui n'a pas souvenance des senteurs balsamiques et fugaces du basilic qui s'échappaient des villas d'El Biar et de Bir Mourad Raïs ? De la fragrance de fleurs d'oranger qui embaumait les quartiers de Dely Ibrahim et Ben Aknoun ? De l'éclosion des fleurs multicolores parsemant le pâturage du cordon du Sahel mêlé à l'euphorie du sarment du jasmin, de l'églantine et du chèvrefeuille ?… Une effervescence joyeuse qui participait au doux réveil printanier, embellissant les demeures du fahs fleuri… Un tissu urbain et suburbain qui, de nos jours, refuse de composer avec la saison des amours. Et pourtant, la formation végétale qui jubile en cette période de l'année agit sur chacun de nous comme un antidépresseur, mettant un bémol dans notre dur quotidien et chassant un tant soit peu le vague à l'âme. Mais cela fait partie d'un décor qui n'a plus droit de cité. Pâle poésie aussi sur les balcons de nos immeubles qui, sous d'autres cieux, exultent et sont embellis de bacs fleuris de pétunias, pensées et autres bégonias grâce à la main experte de la ménagère. Des demeures dont les façades sont lépreuses, exhibant les assiettes de parabole comme des verrues. Nos édiles, quant à eux, montrent leur indigence devant la «faoudha» dont l'architecture urbaine agresse l'environnement naturel. Les commis de l'Etat prêtent le flanc au diktat du négoce déloyal et à son ambiance. Ils n'accordent nul intérêt à la tenue de floralies dans la géographie qu'ils gèrent. Quant à la structure de wilaya chargée du développement et de l'embellissement des espaces publics, le choix est porté en priorité sur les parcours empruntés par les officiels, le reste des interventions est opéré selon «les effectifs disponibles», laisse entendre un responsable de l'Edeval. A titre illustratif, «pour 12 ha de couverture végétale, l'unité Edeval de Bab el Oued dispose de pas plus de 40 ouvriers chargés d'embellir les espaces publics», nous dit-on. Ne nous étonnons pas de voir de jeunes pousses abandonnées à leur triste sort dès leur mise en terre : ni entretien ni irrigation. Si les normes internationales préconisées quant à la couverture végétale au sein d'une agglomération doivent osciller, selon la WWF (World Wildlife Fund), entre 6 et 12 % (la ville chinoise, Zhuhaï, a mis sur pied en 1979 un système de boisement urbain avec un taux de couverture de 39,9% !), l'image que nous renvoient nos cités, notamment les nouvelles zones urbaines est lugubre. Cela dit, entre les textes visant à la mise en place des espaces verts urbains et la réalité, le fossé demeure grand. Très grand.