L'ex-chef de la Sûreté de Tlemcen, Senouci Mohamed, a été auditionné durant la matinée du samedi 30 avril, par le tribunal criminel de Sidi Bel Abbès dans le cadre de l'affaire des 28 quintaux de kif saisis en 2005 et 2006 à Maghnia et Ghazaout.« C'es un ami de Blida qui m'a informé que j'allais être entendu par le juge d'instruction en tant qu'accusé après avoir lu l'information dans un journal arabophone, Echourouk en l'occurrence », dit-il, en relevant qu'il y'a eu violation flagrante du secret d'instruction. Convoqué à la barre, Senouci a tenu à préciser, en préambule, qu'il avait été informé par le biais de la presse de sa convocation devant le juge d'instruction de Remchi, en juin 2007, dans le cadre de cette affaire. Après cette précision faite par Senouci, son audition débute. Les questions du président du tribunal portent, d'abord, sur le type de relations qu'il entretenait avec Bouazza Noureddine, frère de Houari, accusé de trafic de drogue. Concernant Bouazza, Senouci dit le connaitre et l'avoir reçu, à maintes reprises, dans son bureau à la sûreté de wilaya de Tlemecen, « mais dans un cadre strictement professionnel ». « J'ai connu Bouazza par l'intermédiaire de l'ex-chef de la sûreté de Tipaza qui m'a contacté, le concernant, afin de lui faciliter l'octroi de son passeport au niveau de Maghnia », déclare Senouci au juge, ajoutant que Bouazza est devenu, au fil des années, l'un de ses indicateurs et qu'il lui a permis grâce aux informations qu'il fournissait de « démanteler de nombreux réseau de narcotrafiquants à Tlemcen ». S'agissant du numéro de téléphone ayant servi à informer les policiers de Mghnia de la présence des 275 kg de kif dans la Renault 25 stationnée devant le domicile de Ould El Anzi, Senouci, catégorique, dit ne pas connaitre ce numéro ni celui qui l'utilisait. Il rappellera au président du tribunal que le jour-même de la découverte des 275 kg de kif, il était en compagnie d'une délégation interministérielle chargée d'évaluer l'incidence qu'avait le phénomène de l'immigration clandestine dans la région de Maghnia. « J'étais en contact permanant avec le chef de la sûreté de Maghnia, Djeffal, que j'avais instruit de prendre en main l'enquête de m'en tenir informer », précisera-t-il. Le président l'interroge alors à propos de la décision de confier l'enquête à Djeffal, au lieu du service de lutte contre les stupéfiants que dirigeait Boumadani à l'époque. « J'ai préféré confier l'enquête à Djeffal parce que l'enquête relevait de la compétence de la sûreté de Maghnia mais surtout en raison des rapports tendues que j'avais avec Boumadani », dira-t-il. Et d'expliquer : « Outre le fait qu'il avait outrepassé ses prérogatives à plusieurs reprises, en s'immisçant dans le travail de la police judiciaire de Tlemecen, allant jusqu'à créer une PJ parallèle, Boumadani n'était pas le mieux indiqué à mener l'enquête ». Selon Senouci, Boumadani – qui supervisait au moment des faits 12 wilayas de l'ouest-, « avait montré ses limites et n'a pu saisir que 3,5 kilogrammes de kif en deux ans ! » Pour lui, Boumadani, qui faisait partie d'un clan puissant au sein de la police, est derrière le complot qui l'a impliqué dans cette affaire et conduit directement en prison. « C'est un complot fomenté par Boumadani et l'actuel wali de Tlemcen », conclura-t-il. Midi et demi, la séance est levée par le président du tribunal, M. Had. Rappelons que Houari Noureddine, l'un des principaux accusés de cette affaire et chef présumé d'un des plus importants cartels de la drogue à Maghnia a été auditionné durant toute la journée du vendredi 29 avril. Interpellé le 6 mars 2006 par les éléments du service régional de lutte contre les stupéfiants dans le cadre de l'affaire des 25, 4 quintaux de kif saisis à Ghazaouet (décembre 2007), Houari (32 ans), « constitue, aux cotés de l'ex-chef de Sûreté de Tlemcen, la clé de voûte de l'affaire », selon de nombreux avocats. Il a été incriminé par plusieurs témoins et accusés, lors de ce procès, comme étant la tête pensante du « coup-fourrée » contre Boubker Boubekeur, dit Ould El Anzi, devant le domicile duquel une Renault 25 contenant 275 kg de kif a été découverte le 19 novembre 2005, à Maghnia. Appelé à la barre, Houari Noureddine devait préciser au juge, d'un ton serein, qu'il « mesure » la gravité des charges retenues contre lui et qu'il est de nature quelqu'un de « pragmatique ». Il réfute tout lien avec l'affaire de Maghnia et l'arrestation d'Ould El Anzi et nie avoir passé le fameux coup de téléphone (voir notre édition du mercredi 27 avril) à l'origine de cette affaire. Mesurant ses propos, Houari se montre inflexible même lorsqu'il est confronté à son ex-employé, Zahzouh Abdelkrim, lequel est accusé de complicité. « Houari m'a appelé à deux reprises pour me demander de surveiller la maison de Boubekeur, quelques heures avant la découverte de la drogue par la police », dira Zahzouh, en réponse à une question posée par le président du tribunal. Visiblement très mal à l'aise dans ce face-à-face avec son ancien « employeur », Zahzouh maintiendra cependant les déclarations qu'il a faites lors d'une précédente audience : « C'est Houari qui m'a demandé de fuir à Oran puis à Oujda après la découverte de la drogue ». Impassible, le présumé baron de drogue de Maghnia déclare au juge : « Si je voulais savoir ce qui se passait cette nuit-là devant le domicile de Boubekeur je me serais déplacer moi-même du moment que ce dernier est un voisin ; il habite à moins de 100 mètres de chez moi.» Selon Houari Noureddine, les accusations portées contre lui « ne sont que pure affabulations et leurs auteurs ne se rendent pas compte de leurs gravités ». Dans l'après-midi du vendredi, Houari a été confronté à Boughaoufala et Houari Abdelkader, qui étaient employés chez lui et qui sont accusés d'avoir aménagé la semi-remorque à l'intérieur de laquelle ont été découverts les 25, 4 quintaux de kif, à Ghazaouet. « Je fais l'objet d'un règlement de compte et ceux qui sont aujourd'hui à la barre savent de quoi je parle », ressassera-t-il à maintes reprises, en réponse aux dires de Boughoufala, Houari et Zahzouh pour qui Houari est « le principal instigateur de l'affaire de Ghazaouat ».