La maison de la culture de Tizi Ouzou et l'Entreprise d'organisation de manifestations culturelles et scientifiques ont organisé, samedi dernier, une nouvelle édition du café littéraire autour de l'œuvre romanesque du journaliste, poète et écrivain algérien d'expression française Tahar Djaout (1954-1993). L'animation de la rencontre, qui se veut à la fois une contribution à la promotion de la lecture et un hommage à l'enfant d'Oulkhou (Azeffoun), a été dirigée par l'auteur Djouher Amhis Ouksel. L'intervenante n'a pas abordé dans son exposé la carrière journalistique prestigieuse de Tahar Djaout, mais elle a plutôt fait revisiter le patrimoine littéraire de l'auteur de L'exproprié, tout en faisant de temps à autre des petits détours vers Mohammed Dib, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, «qui ont pris conscience très tôt de la situation historique de l'Algérie et qui se sont inscrits dans le cheminement de l'histoire». L'oratrice a mis en exergue la lucidité et le courage de Djaout et décortiqué la majorité de ses romans. Cependant, elle s'est attardée sur Le dernier été de la raison, ce roman édité aux éditions du Seuil à Paris en 1999, et traduit en anglais la même année. «Une fiction dans laquelle les mots prennent un sens. Un témoignage douloureux sur la tragédie qu'a vécue l'Algérie. Un pamphlet qui s'inscrit contre l'imposture des mots, contre les manipulations de toute sorte, qui décervellent l'individu, le dépersonnalisent, le déshumanisent et clôturent la pensée», dira à propos de cet ouvrage Mme Amhis, avant de recommander la lecture de Le miroir aux aveugles, de Wacini Larej et le dernier roman de Mohammed Dib, Si diable veut, qui est une étonnante allégorie centrée sur l'Algérie. Deux auteurs qui parlent comme Tahar Djaout, dit-elle, avant d'ajouter : «Dans Le dernier été de la raison, Djaout s'insurge contre l'idiologie mortifère et la falsification de l'histoire. A travers cet ouvrage, l'auteur dénonce l'atteinte aux langues nationales, les dérives d'un système, et porte la réflexion à un haut niveau en refusant le nivellement vers le bas.» «C'est Le dernier été de la raison qui a laissé place à la déraison. Tahar Djaout l'a payé de sa vie. Il n'y a pas de mots assez forts pour saluer son courage et la valeur de son sacrifice. Sa passion, la fidélité à ses convictions, sa haute conception de l'humain font de lui un être d'exception, mais surtout une référence, une identification tant pour ses contemporains que pour les générations futures. Eveilleur de conscience, certes, mais n'accepte pas l'enfermement de la pensée. Sa parole est subversive», conclut Djouher Amhis. Par ailleurs, Jean Déjeux, l'un des critiques les plus reconnus de la littérature maghrébine de langue française, disait dans Jeunes poètes algériens (1981): «Djaout s'insurge sans doute d'abord contre tous les opiums – et il le fait avec une précision féroce. Mais son impatience de l'amour fait surtout éclater les murs, bouscule les tergiversations et les formules convenues. Lui aussi veut vivre en joie et en gloire. (...) La poésie de Djaout est enfin très enracinée dans le terroir africain. Ses racines et ses adhérences viennent à bout du macadam de la Ville; elles plongent dans l'humus ancestral du grand continent et dans ses rythmes.»