Nul n'a le monopole des libertés.» La déclaration est de Nacer Mehal, ministre de la Communication, ancien directeur général de l'agence officielle APS. A qui s'adressait-il ? Aux journalistes ? Aux partis et syndicats ? L'homme parlait de «façon solennelle» et avait tenu à le préciser. Le cérémonial artificiel, qui est une spécialité des gouvernants d'Alger, fait parfois oublier l'essentiel. En Algérie, tout le monde sait que les libertés démocratiques sont mises entre parenthèses depuis au moins douze ans. Hier à Alger, un groupe de chômeurs a été empêché d'organiser une marche dans les rues. La capitale algérienne est parmi les rares au monde à ne pas célébrer la fête des travailleurs. Les partis, les syndicats et les étudiants n'ont toujours pas le droit de marcher pacifiquement dans les rues des villes algériennes. L'opposition est interdite de parole dans les médias dits publics. Les opinions contraires aux thèses officielles, y compris en matière de politique étrangère, sont encore bannies. La levée tardive de l'état d'urgence n'a pas été accompagnée par la libération des champs politique et médiatique. Donc, de quel monopole parlait Nacer Mehal du moment que «les libertés» sont proscrites en Algérie ? Le pouvoir ne peut pas avoir «le monopole» sur une chose qu'il a lui-même interdite. «Nous sommes tous des défenseurs des libertés», a encore ajouté Nacer Mehal. Là, la situation devient plus compliquée. Personne n'a entendu le ministre de la Communication élever la voix pour appeler au respect des libertés consacrées par la Constitution, dont celui de créer des partis et de lancer des journaux. Il a donc tenté de se justifier par rapport à une incapacité de déverrouiller un espace installé dans la nouvelle pensée unique. Lorsqu'il était à la tête de l'APS, Nacer Mehal n'avait pas fait grand-chose pour libérer les initiatives des journalistes et permettre à l'agence, financée par l'argent public, de couvrir convenablement l'actualité du pays. Quant au «monopole», vrai celui-là, le pouvoir l'exerce, sans l'avis des Algériens, sur la radio, la télévision et l'agence de presse. Un monopole complet et ferme sur des médias appartenant à l'ensemble de la communauté nationale. Après le discours du président Bouteflika du 15 avril, appelant à plus d'ouverture, l'ENTV et les chaînes de radio continuent à livrer de la matière javellisée à l'opinion nationale. Il n'y a visiblement aucune volonté d'ouvrir l'antenne à la critique et au débat libre sur l'actualité algérienne. Le journal télévisé de 20 heures est composé d'une succession de couvertures officielles et de «poèmes» d'autoglorification. Minimisées à outrance, les révoltes arabes contre les dictatures de Tripoli, de Damas et de Sanaa sont presque réduites à la caricature. Si l'on prend seulement cet exemple, les réformes «politiques» annoncées par Bouteflika ne sont finalement qu'une manœuvre pour gagner du temps. Qu'on nous prouve le contraire !