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Personnages en quête d'auteurs
Corinne Chevallier, une saga algéroise
Publié dans El Watan le 15 - 12 - 2005

Avec La Nuit du corsaire, la romancière Corinne Chevallier consacre une volumineuse et passionnante saga à l'une des périodes la moins connue de l'histoire de l'Algérie, celle d'un XVIe siècle tumultueux et dominé par la montée en puissance de l'Espagne qui, dans le prolongement militaire de la Reconquista entendait étendre sa domination sur le monde.
C'est dans ce contexte colonialiste qu'elle avait implanté, aux portes d'Alger, une inexpugnable forteresse, le penon, qui permettait aux troupes espagnoles de disposer d'une base de manœuvres dans la partie orientale de la Méditerranée. Dans le même temps, l'Empire ottoman disputait à l'Espagne la suprématie en mer qu'elle cherchait à établir en Europe et ailleurs. C'est cette matrice historique qui est le socle de l'œuvre romanesque de Corinne Chevallier, dont La Nuit du corsaire est pratiquement la première fiction qui s'intéresse à cette époque avec une telle ampleur, un tel souffle. Sur près de 500 pages d'une grande densité, l'auteur déroule la formidable séquence de l'arrivée des Turcs à Alger, sous la conduite de deux personnages, hors du commun, les frères Arroudj et Kheireddine Barberousse. Alger n'est alors qu'une bourgade insignifiante et sans relief, mais elle suscite pourtant les convoitises espagnoles bien sûr, mais aussi celles de ces nouveaux arrivants, ces aventuriers appelés à la rescousse par les habitants de Jijel, puis ensuite par les Algérois. Aroudj, qui avait servi le sultan hafside de Tunis, était déjà un marin expérimenté lorsqu'il croise les côtes algériennes. C'est un homme dur, âpre au gain, implacable au combat, et il a toujours exercé sur ses frères Ishak, Elias et Kheireddine une impitoyable autorité. Il est le chef affirmé de cette fratrie de desperados aux origines incertaines. Arroudj, nabot cruel et cynique, a entraîné ses frères dans les violences de son siècle. Il était connu sous le surnom de Bras d'argent, car il portait une prothèse après avoir perdu un membre dans un affrontement avec les Espagnols. Lorsque Arroudj arrive à Alger, son premier geste est d'assassiner, dans des circonstances atroces, Salim Toumi, le maître de la ville. Il fait exécuter par la suite tous les Algérois qu'il soupçonnait de lui être hostiles. C'est dans ce climat de terreur que Arroudj, voulant pousser son avantage, cherche à se rendre maître aussi de Tlemcen, dont il assassine les principaux notables. Les populations révoltées contre ces massacres s'allient aux Espagnols et tendent une embuscade à Arroudj qui tombe sous les coups de ses irréductibles ennemis. La mort de Arroudj libère en fait l'affirmation de la personnalité du dernier des frères Barberousse, Kheireddine, jusqu'alors bridé par l'aura de son terrible frère. Kheireddine est l'un des personnages-clé du roman de Corinne Chevallier sans en être pour autant l'élément central autour duquel s'articule le récit. Cette dimension est incarnée dans le roman par Djabir, jeune Algérois qui se fond dans cette nouvelle turque d'Alger au moment où la ville commence à prendre de l'expansion et va représenter un pôle vers lequel se tourneront les regards d'abord circonspects puis inquiets des dirigeants européens. Djabir est le personnage témoin de cette épopée qui nourrit La Nuit du corsaire. Un roman rare dans la mesure où il participe à introduire un débat sur un pan d'histoire assez largement occulté, celui des siècles qui ont précédé le colonialisme français. La littérature algérienne, hors les essais de spécialistes, a très peu investi cette séquence historique, sans doute essentielle, pour asseoir le sens national. L'entreprise de Corinne Chevallier est donc tout à la fois grandiose et inédite, car elle démontre que l'imaginaire littéraire algérien ne peut être borné par aucune limite. Le paradoxe est que ce sont souvent des auteurs étrangers qui ont investi ce champ historique, et un personnage tel que Arroudj est au cœur de nombreux romans récents. La Nuit du corsaire intervient précisément pour susciter des questionnements qui ont un rapport étroit avec la mémoire, et sort peu après le livre de Kaddour M'hamsadji sur les chants des janissaires d'Alger. D'une manière presque évidente, la période dite « turque » est un peu récurrente dans les textes littéraires récents, car elle est encore entourée de non-dits et de questions sans réponse. Les Algériens peuvent-ils ainsi réclamer Kheireddine pour leur ? Ce personnage, s'il est défini comme le fondateur de la Régence, aura en réalité plus servi l'Empire ottoman - et ses ambitions personnelles - que les Algérois, voire les Algériens. Les exemples peuvent être multipliés au sortir de la lecture du roman de Corinne Chevallier, tant La Nuit du corsaire ouvre des portes sur une histoire encore figée dans les méandres de l'occultation et de l'oubli. Une histoire qui, La Nuit du corsaire le démontre, fourmille de personnages en quête d'auteurs.
Corinne Chevallier, La Nuit du corsaire - Casbah Editions (2005)


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