La situation de la femme continue, de par le monde, de susciter des débats serrés, parfois houleux. Elle constitue, depuis la naissance de la notion des droits de l'homme, un centre d'intérêt un peu particulier et spécifique des défenseurs des droits humains. En Algérie aussi, la question est d'actualité. D'autant plus que le code de la famille vient d'être amendé. Sans débat fructueux et élargi à toute la société. La femme, algérienne surtout, est-elle égale à l'homme ? A-t-elle la possibilité d'accéder à ses droits ? Quelle est sa place dans la société ? Autant de questions, et bien d'autres, auxquelles ont tenté de répondre, à travers diverses approches, les participants nationaux et étrangers au séminaire de deux jours, ouvert hier à Alger, sous le thème « Droit national et international face à la violence contre les femmes ». Organisée par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), avec le soutien de l'UE, cette activité, qui a regroupé d'éminents juristes et spécialistes du droits, s'inscrit dans le cadre du programme européen Avicenne, qui vise à promouvoir les droits de l'homme au sein de la société algérienne. Cela en organisant des cycles de conférences et des journées d'étude qui permettront, d'abord, la vulgarisation des droits de la femme, mais aussi en créant un centre de documentation à Alger, qui ouvrira ses portes dès janvier 2006. D'emblée, le président de la LADDH, Me Hocine Zehouane, a témoigné de ce que la femme algérienne, en particulier, endure. Il attestera qu'« elle est victime de violences multiformes, diffuses et parfois légales ». Pour combattre cette violence, « il ne suffit pas de s'insurger, mais il faudra l'étudier », a-t-il indiqué, tout en précisant que le régime juridique algérien - basé essentiellement sur la charia - est en porte-à-faux avec le droit de la citoyenne. Me Ali Yahia Abdenour a noté, lors de son intervention, que l'Algérienne reste toujours « l'éternelle mineure ». Comment ? Le défenseur des droits de l'homme et président d'honneur de la LADDH expliquera cela par le fait qu'« il n'y a rien, dans le code de la famille, qui garantit l'égalité entre les deux sexes. La polygamie est maintenue tout comme le divorce unilatéral ». Pour étayer ses propos, Me Ali Yahia fera appel aux notions universelles des droits de l'homme : « Dans le droit international, la femme est égale à l'homme en tout ce qui n'est pas sexe. » Il estime que la femme algérienne, qui est présente dans le marché du travail à côté de l'homme, et qui peut même présider aux destinées de la République, n'est cependant pas en mesure de se marier seule, sans la présence, même formelle, d'un homme. « Comment peut-elle être grand professeur en médecine, magistrate, professeur à l'université, mais elle demeure prisonnière d'un tuteur ? » dénonce-t-il avant d'ajouter : « On ne lui accorde même pas le droit de se défendre devant la justice. » Car, ajoute-t-il, les tribunaux algériens, influencés par la culture ambiante, considèrent que « battre une femme, c'est comme une manière pour l'homme de faire preuve de sa virilité ». Radhia Oudjani, du Centre européen de recherche, emboîte le pas aux premiers intervenants en attestant de l'institutionnalisation de l'inégalité entre femme et homme dans bon nombre de pays africains et arabes. Cette inégalité se traduit par différentes formes, à travers des textes juridiques, comme le cas de l'Arabie Saoudite qui est allée même jusqu'à interdire à la femme saoudienne de voter, mais aussi de prendre les transports en commun (le bus, le train, l'avion...) seule, sans autorisation paternelle. « Dans le cas contraire, elle risque de subir des violences de la part de membres de sa famille », a indiqué Mme Oudjania. En Algérie aussi, l'inégalité des genres est présente dans plusieurs textes de lois. « Par exemple, l'article 39 du code de la famille, qui stipule : "Le devoir de la femme est d'obéir à son époux" », a-t-elle souligné. Autre élément discriminatoire développé dans le code de la famille est le droit à l'héritage. « Les sœurs n'héritent que de la moitié de ce dont héritent leurs frères », a relevé Mme Oudjania. Cela est pareil dans l'ensemble des pays arabes. La conférencière a parlé de cas de femmes qui n'héritent même pas la moitié. Ce fait devient récurrent dans les pays où il y a une grande proportion de populations rurales. Les participants ont également relevé la participation timide des femmes en général, arabes et africaines en particulier, dans la vie politique. Mme Oudjania a évoqué une étude, publiée récemment sur la situation des droits de la femme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, selon laquelle la femme est piétinée dans cette zone. A travers les conclusions de cette étude, l'Algérie a obtenu la troisième place derrière la Tunisie et le Maroc. Elle est classée juste devant l'Egypte, la Jordanie et le Liban. L'Arabie Saoudite, Bahreïn, Oman, le Koweït et le Qatar se retrouvent à la dernière loge. Enfin, Mme Oudjania a noté que « sur 876 millions d'analphabètes dans le monde, 584 millions sont des femmes et 69 des 115 millions d'enfants non scolarisés sont des filles ». C'est dire l'importance de la disparité entre les deux sexes.