Trois mois après le début de la contestation puis de la rébellion en Libye, Mouammar El Gueddafi, qui aura utilisé tous les moyens pour contrer l'opposition et se maintenir au pouvoir après 42 ans de règne, paraît bien isolé. L'isolement est politique, diplomatique et militaire. La demande faite par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, d'un mandat d'arrêt à son encontre, son fils Seïf El Islam et le chef des renseignements, Abdallah Al-Senoussi, va accélérer la chute de celui qui a promis, haut et fort, de mettre la Libye à feu et à sang. L'accusation de la CPI est lourde : «Crimes contre l'humanité». L'histoire a retenu qu'aucun homme politique, quel que soit le degré de la terreur qu'il utilise, n'est sorti indemne de ce genre d'accusation. Dans le cas où la demande d'Ocampo sera acceptée, les pays, où les dirigeants, qui tenteraient d'apporter leur aide au dictateur libyen seront considérés comme complices. A moins d'une sortie «politique» négociée d'El Gueddafi. «Si les mandats d'arrêt sont émis comme prévu, Amnesty International exhorte le colonel El Gueddafi à se rendre afin d'être jugé par la Cour pénale internationale. Aucun des Etats membres des Nations unies n'aurait alors le droit d'offrir refuge au colonel ni à ses coaccusés», a estimé Amnesty International. Hier, le procureur de la CPI, cité par les agences de presse, a menacé les autorités libyennes de poursuites à leur encontre si elles contribuaient à «dissimuler» des crimes commis en Libye. «Le régime libyen interdit à ses médecins d'enregistrer les morts dans les hôpitaux et les corps sont cachés», a-t-il déclaré. Selon Amnesty International, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre ont été commis en Libye depuis le 17 février 2011, date du début des troubles dans le pays. S'ajoutent à ce registre macabre, des disparitions forcées par dizaines. Les prochaines poursuites pénales contre le régime d'El Gueddafi s'ajoutent à des changements d'ordre stratégique qui renforce la «bunkérisation» du vieux colonel. La Russie, alliée de Tripoli, a demandé, mardi 17 mai, au régime libyen d'appliquer la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU et de mettre fin aux exactions contre les civils. «Nous avons soulevé les questions qui reflètent notre position de principe qui consiste en premier lieu à ce que le sang cesse de couler le plus vite possible en Libye», a déclaré Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères. C'est une évolution importante dans la position de Moscou réservée jusque-là. Le Conseil national de transition (CNT, opposition) a salué cette position mais a estimé qu'elle était quelque peu tardive. Il reste que le changement d'attitude de la Russie, qui se joint à celui de la Turquie, va donner un nouveau souffle aux efforts internationaux. A commencer pour la région du Sahel et pour l'Afrique du Nord. Contrairement à ce qui est soutenu ici et là pour justifier le maintien du régime de Tripoli, le danger des «marchands» d'armes aux ordres du régime libyen ou autres est plus grand et plus grave que celui d'Al Qaîda. Sous ce label fourre-tout, le régime d'El Gueddafi tente d'exporter «la guerre» vers la Tunisie voisine.