Tous les spécialistes s'accordent à dire que le développement alarmant de la criminalité est étroitement lié au trafic de drogues. La production, de plus en plus importante, de drogues (dites douces) au Maroc, l'insuffisance des moyens mis en œuvre pour lutter contre ces trafics et surtout la propagation de la corruption dans les milieux chargés de protéger le citoyen de ce fléau ont fait que l'Algérie est passé du statut de zone de transit de ces drogues à celui d'un important marché de consommation, dont les besoins augmentent chaque année. Dans un rapport alarmant d'une quinzaine de pages, rendu public cette semaine par la Gendarmerie nationale, il est précisé que « la drogue contribue largement à la dégradation du tissu social à travers la délinquance, le sentiment d'insécurité et la dérive à caractère maffieux... Les démantèlements des petites filières de drogues par les services de lutte n'est qu'un succès précaire car les réseaux se reconstituent très vite et grâce à la masse de jeunes marqués par le désœuvrement et le chômage ». En dix années, ont affirmé les spécialistes, les services de la Gendarmerie nationale ont saisi 27 661, 26 kg, et les affaires traitées sont passées de 432, en 1994, à 1810 affaires, en 2003, soit quatre fois plus. Les mêmes sources ont constaté que 64% des personnes arrêtées pour détention et usage de drogue sont âgées de moins de 28 ans et 49% d'entre elles n'exercent aucune profession. Dans ce document, il est clairement expliqué que le trafic de drogue est étroitement lié à plusieurs formes de criminalité, allant de la grande criminalité organisée à celle dite occasionnelle. « Une corrélation statistique existe bel et bien entre la consommation de drogues et la criminalité. L'ampleur du trafic de drogue n'aurait pu atteindre de telles dimensions s'il n'y avait pas pour le soutenir d'autres réseaux de criminalité tels que le trafic d'armes, la contrebande et l'immigration clandestine », a noté le rapport, précisant, d'autre part, que le développement de ce fléau dans le sud du pays renforce l'idée d'« une étroite relation entre les barons de la drogue et ceux de la cigarette, installés notamment à El Oued et Rouisset (Ouargla), et leurs accointances avec les autres contrebandiers et trafiquants d'immigrants clandestins. Chaque organisation apporte sa coopération à l'autre, dans le sens de l'intérêt mutuel bien compris et bien partagé ». Pour les spécialistes, l'Algérie ne peut continuer à être considérée comme une zone de transit dans la mesure où depuis quelques années « elle est devenue un marché de commercialisation et de consommation (...) ». L'amer constat a poussé les auteurs du document à tirer la sonnette d'alarme en affirmant que cette situation « compromet dangereusement la sécurité de notre pays, sa santé publique et particulièrement sa jeunesse. Les narcotrafiquants ne se contentent plus de faire passer leurs marchandises par le nord et se sont mis à la recherche d'espaces plus vastes, moins sécurisés et moins surveillés ». En effet, selon le rapport, le sud du pays, qui reste une région désertique très sensible et extrêmement difficile à contrôler en raison de l'étendue de ses frontières, est en train de se transformer en une zone de toutes les activités illégales et de tous trafics, notamment de drogue. Au trafic de cannabis est venu se greffer celui des psychotropes, dont le développement a connu un essor considérable ces dernières années. « Constituant une sérieuse menace pour les jeunes, ces substances détournées ou volées sont revendues à proximité des établissements d'enseignement, confrontés d'ailleurs à la consommation des ces drogues par les jeunes et aux problèmes qui en découlent. » La consommation des psychotropes a, selon la Gendarmerie, connu une évolution préoccupante à travers l'ensemble du pays. « Leur popularité a pris une telle dimension qu'ils commencent à supplanter les drogues classiques. » Ainsi, de 1997 à la fin du mois d'août dernier, les services de la Gendarmerie ont saisi 876 640 plaquettes de comprimés (Diazepan, Parkinane, Rivotril, Temesta, Nitrazepam, Tranxene, Armitlinz Clodrate et autres). Ces produits censés être destinés à des fins médicales se retrouvent sur le marché, l'intermédiaire du personnel médical. Les auteurs du rapport ont estimé que les pratiques de consommation des drogues se sont profondément transformées chez les jeunes dans la mesure où on assiste, ont-ils expliqué, à une banalisation de l'usage du cannabis et de la polyconsommation (association de drogues et d'alcool) entraînant des risques très graves sur la santé. Bien que très significatifs, ces chiffres restent en deçà de la réalité puisque ceux de la Sûreté nationale, agissant en milieu urbain où les toxicomanies ont pris de l'ampleur, ne sont pas inclus.