Le phénomène de la drogue prend des proportions alarmantes dans notre pays, il est devenu un fléau des temps modernes, synonyme de « nouveau cancer et d'arme de destruction massive ». La drogue détruit l'individu, disloque la famille et déstabilise la société. Personne ne peut être à l'abri de ce mal, ni être indifférent. La drogue touche beaucoup plus la jeunesse. 83,59% des individus impliqués dans des affaires de trafic de drogue en Algérie sont âgés de moins de 35 ans. 56% des toxicomanes ont commencé par la cigarette, 25 000 sont entrés dans des centres de désintoxication durant ces dix dernières années. 53% n'ont pas de structure familiale stable, 6% vivent dans la rue et 84% ont un niveau d'instruction moyen. Ces chiffres ont été révélés hier par Aïssa Kacimi, directeur de la coopération internationale de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLCDT) lors de la première journée d'étude consacrée à l'application de la loi numéro 18-04 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de drogue et de substances psychotropes organisée par l'ONLCDT au cercle national de l'armée, et ce, en collaboration avec le réseau MedNET de coopération dans le domaine de la prévention et de lutte contre la drogue. Près de 225 experts algériens et étrangers en matière de prévention de traitement et de lutte contre la drogue et la toxicomanie ont pris part à cette manifestation. Des magistrats, des médecins, des avocats, des gendarmes et des représentants des services de lutte contre ce phénomène se pencheront en séances plénières et en travaux d'ateliers sur notamment les modalités de coordination pour mieux adapter cette loi à la réalité du terrain. Il y a réellement péril en la demeure. Cet avertissement et ce cri d'alarme ont été réitérés hier par bon nombre d'intervenants. D'aucuns estiment qu'aujourd'hui, il est préférable de traiter le toxicomane en tant que malade et non en tant que délinquant. « En 2009, il n'est plus question d'envoyer en prison les drogués, mais il faut les traiter médicalement, leur offrir un espace approprié pour une prise en charge sérieuse. Actuellement, il existe une loi qui défend ce principe, mais pour sa mise en application, il faut une coordination entre les différentes structures », a soutenu un juriste. Justement, dans son allocution, Abdelmalek Sayah, premier responsable de l'office, a indiqué que l'objectif de cette rencontre de deux jours est de faciliter la mise en œuvre de la loi objet de débat dans ses différents volets et de renforcer les relations de collaboration et de suivi entre toutes les parties impliquées dans l'application de la loi. Le toxicomane, un malade et non UN délinquant Cette loi, explique M.Sayah, se caractérise par des éléments nouveaux par rapport à l'ancienne législation. De son avis, les nouvelles dispositions préventives et curatives, contenues dans cette loi, concernent notamment l'expertise médicale à laquelle sont soumis les usagers de drogues illicites. L'injonction thérapeutique et l'abandon des poursuites judiciaires à l'encontre des personnes, qui se sont conformées au traitement médical de désintoxication, figurent aussi parmi les nouvelles dispositions de cette loi. Cette activité a aussi pour objectif l'amélioration des connaissances du personnel chargé de l'application des lois en la matière. Abordant le fond du problème, M. Sayah a indiqué que le trafic de drogue via l'Algérie constitue un véritable danger qui a mené à l'augmentation de la consommation au niveau local. Il a mis l'accent sur les efforts considérables déployés par l'Algérie en matière de lutte contre le trafic de drogue, à travers la mobilisation des moyens de prévention contre ce fléau, des structures médicales de désintoxication et un arsenal juridique pour la répression de ce phénomène. Pour sa part, M. Kacimi a rappelé que la situation actuelle du phénomène de drogue en Algérie connaît une évolution rapide, notamment après l'ouverture démocratique et les événements successifs ayant fait basculer l'Algérie dans une période de violence inédite où l'on a assisté à une exacerbation de tous les fléaux sociaux, y compris celui de la drogue. Dans son exposé, le conférencier a confirmé, malheureusement, que l'Algérie est un grand espace ciblé par les réseaux de trafic de drogue pour diverses raisons. Au départ, il était un pays de transit, mais ces dernières années il est devenu un pays consommateur de drogue, en particulier de cannabis et de psychotropes. « Les prémices d'une évolution dangereuse pour que l'Algérie devienne un pays de consommation sont omniprésents. Les réseaux internationaux du crime organisé et les narcotrafiquants ont intérêt à transformer notre pays en marché fructueux pour le trafic de drogue et c'est pour cette raison qu'il faut mettre le paquet », a soutenu M. Kacimi. Beaucoup s'accordent à dire que le Maroc est le plus grand pays producteur de cannabis dans le monde (60%), néanmoins d'autres pays le cultivent à grande échelle. La production marocaine de cannabis passe par l'Algérie en direction de l'Europe et du Moyen-Orient, via la Tunisie et la Libye ou via les principaux ports algériens. Toutefois, le principal itinéraire utilisé sont les frontières sud du Maroc-El Bayadh-Naâma-Ouargla-El Oued. L'Ouest du pays est la région la plus touchée par le trafic (48%), qui se fait par route, généralement à bord de camions semi-remorques. Des embarcations spéciales sont utilisées pour le transport de la drogue par voie maritime. L'Algérie, pense l'orateur, ne fait pas de différence entre ce que l'on appelle « drogues douces » et « drogues dures ». Le trafic de la drogue est le deuxième marché économique mondial avec 500 milliards de dollars (après les armes, bien avant le pétrole).