L'Algérie n'est plus une simple zone de transit, mais un pays désormais sérieusement menacé par la propagation du phénomène de la consommation de la drogue. Sa position géographique, de voisinage avec les plus grands pays fournisseurs ou producteurs de ces substances, "l'expose à une menace permanente et croissante". Devant des indicateurs fort inquiétants, comme celui, donné par Interpol, faisant état du transit de 600 tonnes de l'Afrique vers l'Europe, en provenance du Maroc, Abdelmalek Sayah, président de l'Office national de lutte contre la drogue, est convaincu que l'heure est à la mobilisation générale et à la lutte rigoureuse. M. Sayah, invité, hier, de l'émission "Fi El Wadjiha" (au devant de la scène) de la Chaine I a présenté ce danger qui menace, après l'Europe, plus que par le passé notre société. Le problème de la toxicomanie a pris des proportions alarmantes durant la décennie écoulée, nourri par les effets pervers de la décennie noire, d'un passage économique difficile et certains autres facteurs comme la déperdition scolaire, dit-il. Ce qui suscite plus d'inquiétude aux yeux du président de l'Office de lutte contre la toxicomanie, c'est plutôt le fait que "les pays européens ont pris des mesures de contrôle très rigoureuses. Une fois les étaux resserrés autour de ces réseaux de trafic, le jour où il n' y aura plus d'issues vers ce continent, ils seront, logiquement, obligés d'écouler leur drogue dans les pays de transit, dont l'Algérie. C'est là, à mon sens, le plus grand enjeu… ", averti M. Sayah. L'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie n'y assiste pas les bras croisés. Depuis son installation par le président de la République, une panoplie de mesures a été mise en place afin de réduire ou éliminer le phénomène qui nécessite l'implication de tous. " Il y a un plan national intersectoriel d'orientation pour 2004, 2008. Tous les secteurs, chacun dans ses compétences, doivent s' impliquer dans la lutte…" Cet office, soutient encore son président, fait de l'adaptation de la législation et les outils de lutte, de la révision de la loi contre la commercialisation et la consommation de la drogue, de l'intensification des efforts de l'information, et de la sensibilisation, la mise en place d'un numéro vert au service des citoyens, les axes de sa nouvelle stratégie. " Le renforcement du contrôle des frontières, surtout les frontières ouest, par l'augmentation des effectifs, des unités des GGF notamment, pour resserrer les étaux sur les trafiquants dans l'Ouest, est une mesure à prendre dans l'urgence ", insiste M. Sayah. Les nombreux discours du président de la République, celui prononcé en mai 2002 à l'université d'Oran, ou celui de Juillet, 2006, à l'occasion de la fête de l'Indépendance sont là pour rappeler la volonté et la détermination de l'Etat de sévir contre la drogue, estime l'invité de la Chaîne I. Ce dernier a indiqué à l'occasion, l'existence d'un projet de création d'un réseau maghrébin de lutte contre la drogue, qui œuvrera pour une meilleure coopération, en matière d'échanges d'informations entres les services de sécurité des différents Etats notamment. Selon M. Sayah, l'Algérie s'apprête à convoquer aussi un séminaire africain sur ce sujet. " Les Européens sont déjà intéressés et disposés à coopérer avec nous, car, ils sont directement concernés dans la mesure où l'Algérie est un ultime rempart ", dit-il. Et de préciser : " La maîtrise des réseaux va sécuriser l'Europe". Reconnaissant que "personne et aucun organisme ne détient les vrais chiffres sur la drogue et la toxicomanie et que "les statistiques livrées par les services de sécurité ne concernent que les saisies opérées ", le président de l'Office de lutte contre de la drogue et la toxicomanie met en garde contre un non moins important revirement opéré ces derniers temps dans les réseaux de trafic, il faut agir aussi pour empêcher que les réseaux de trafic soient gérés par des Algériens mêmes, actuellement chapeautés par des étrangers européens. Parlant chiffres, les bilans des opérations menées en 2005, font état de saisie de 9 444 kg de kif traité et 426 000 comprimés de divers psychotropes, 66.55 grammes d'héroïne, etc. Ce sont des quantités destinées à être acheminées vers l'Europe, précise M. Sayah. En 2005 toujours, parmi les 6 158 affaires traitées par la justice, 2 077 sont liées à la drogue. De 8 698 personnes interpellées pour motif lié à la consommation de la drogue, 5 000 sont consommateurs, 300 personnes font l'objet d'enquête ou recherchés et 2 600 sont des trafiquants. Et dans ce chiffre impressionnant, 85 individus seulement sont des étrangers, dont 21 Marocains, 21 Nigérians, et 4 Français… " Il faut s'interroger sur le nombre de ceux qui encore… ", remarque Sayah.