Hichem Baba Ahmed est un jeune universitaire de 29 ans. Consultant en marketing et spécialiste en intelligence économique, en géopolitique, en diplomatie commerciale ainsi qu'en négociation commerciale internationale, il fait de l'exportation hors hydrocarbures son principal «défi». Dans son mémoire de magistère soutenu en décembre 2010 à l'Ecole des hautes études commerciales d'Alger (ex-INC), il a abordé un thème d'une extrême importance, jusque-là non encore traité dans les universités algériennes. Il s'agit du rôle de la diplomatie algérienne dans le processus d'exportation des produits hors hydrocarbures. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il insiste sur la nécessité d'avoir recours à la diplomatie pour mieux booster nos exportations. -Quand on évoque les problèmes que rencontrent nos exportateurs, on accuse plusieurs parties d'être derrière des blocages sans pour autant évoquer l'importance de la diplomatie dans le développement des exportations hors hydrocarbures. Comment avez-vous pensé à étudier l'apport de ce créneau stratégique pour le développement de ce genre d'exportation ? Après la publication du décret présidentiel n° 08-162 portant sur l'organisation de l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères et la création de la sous-direction de l'analyse et de la gestion de l'information commerciale, une première en Algérie, nous nous sommes interrogés, mon encadreur le Pr Mustapha Cherif et moi-même, dans un travail faisant l'objet d'un mémoire de magistère, sur l'apport des informations économiques et commerciales que peut fournir la diplomatie algérienne pour contribuer au développement des exportations hors hydrocarbures. Le mémoire traite de la diplomatie économique et commerciale avec l'intervention de la géopolitique comme outil intermédiaire entre la diplomatie et l'intelligence économique qui peuvent servir de vecteur d'accès à l'information économique et commerciale. Celle-ci est censée être utilisée par les entreprises exportatrices dans l'adaptation de leurs produits au marché international visé. Trois questionnaires ont été administrés et analysés, le premier pour les entreprises exportatrices, le second destiné à des ex ambassadeurs algériens et le troisième concerne plusieurs cadres administratifs des ministère du Commerce, des Affaires étrangères, de l'Industrie et des PME/PMI. -Quel est l'intitulé de ces questionnaires ? Dans ce travail, nous avons essayé de répondre à trois problématiques : quelle est l'importance qu'accordent les entreprises exportatrices algériennes aux informations économiques et commerciales dans leur processus d'exportation ? Nous avons voulu savoir aussi si l'inter-connectivité entre l'administration et l'entreprise peut favoriser la circulation de l'information économique et commerciale nécessaire au processus d'exportation des produits hors hydrocarbures. Puisque notre thème est solidement lié à la diplomatie, nous avons voulu savoir si le ministère des affaires étrangères peut fournir suffisamment d'informations économiques et commerciales utiles à l'exportation. -Qu'en est t-il alors des résultats ? L'analyse des résultats nous a permis de constater que la grande majorité des personnes interrogées considèrent que l'information économique est au centre du développement économique, et qu'elle est essentielle à l'exportation ; à travers l'adaptation des produits et/ou services algériens aux marchés internationaux visés. Nous avons remarqué aussi que le tissu économique algérien commence à donner plus d'importance au marketing et à l'exportation des produits et/ou services, mais que l'entreprise manque d'agressivité commerciale. On peut affirmer que celle-ci vit encore isolée du monde extérieur. Les cadres interrogés appartenant aux ministères cités ont une bonne vision sur le commerce international et manifestent beaucoup d'intérêts pour l'exportation des produits hors hydrocarbures, mais ils manquent d'esprit d'ouverture sur l'entreprise, malgré que cette dernière soit au cœur du développement économique du pays. Notre étude nous a permis de constater que l'inter-connectivité entre l'administration et l'entreprise n'est pas toujours basée sur les moyens de communications modernes, alors que dans les pays à très forte concurrence commerciale, tout échange d'informations est numérisé ; cela permet de faire gagner beaucoup de temps et de dynamiser les relations à tous les niveaux d'intervention du processus commercial international. Nous avons cependant déduit que la part de l'économie mériterait plus de considération au niveau diplomatique afin de porter l'Algérie vers un développement économique et commercial meilleur. A tous les niveaux, la conscience commerciale est présente. Ce qui manque par contre c'est l'harmonie, la coordination et l'agressivité au niveau international. Un travail qui est censé être fait par la diplomatie, entre autres. -Et pourtant, il y a des entreprises algériennes qui exportent facilement sans pour autant avoir recours à la diplomatie ? A vrai dire, il faut bien définir ce qu'est l'exportation. Cette opération doit être entretenue et de manière continue avec des contrats établis entre l'exportateur et son client étranger. Des opérateurs économiques algériens arrivent certes à écouler leurs produits à l'étranger. Cependant, ils sont rares par rapport au tissu existant et la plupart d'entre eux le font d'une manière occasionnelle. C'est quand même mieux que rien. Pour qu'ils puissent booster et organiser leurs «exportations», il leur faut notamment des données et informations économiques et commerciales qui peuvent être fournies par la diplomatie algérienne sur tel ou tel pays. Cela aidera le potentiel exportateur à mieux choisir son marché cible et du coup à mieux le pénétrer. Les grandes entreprises qui exportent peuvent se permettre de payer de grands cabinets conseil pour avoir ce genre d'informations. Toutefois, nos PME/PMI, à titre d'exemple qui sont plus importantes, du point de vue nombre, n'ont pas assez de moyens pour pouvoir payer ce genre de cabinets à des prix exorbitants. La diplomatie algérienne doit servir, en informations, ce genre d'entreprise et d'industrie. Une fois la diplomatie économique orientera la stratégie de développement économique du pays, reste donc à l'exportateur, en situation d'arracher un marché, de négocier les clauses du contrat. Ceci suppose toutefois sa maîtrise des aspects techniques et commerciaux, mais aussi juridiques et financiers sur la scène internationale. -Avez-vous des recommandations à préconiser pour mieux booster les exportations hors hydrocarbures ? D'après les résultats de nos travaux de recherches et ceux que nous avons effectués sur les expériences de plusieurs pays, je pense que les actions à mener en vue de promouvoir les exportations hors hydrocarbures en Algérie constituent des axes de travail prioritaires devant faire l'objet d'une concertation entre les pouvoirs publics, les opérateurs économiques, les différents organismes, les institutions publiques et les associations professionnelles en vue d'une coordination sans faille et d'une action cohérente et continue. Les autorités concernées doivent mettre en œuvre des textes réglementaires et procédures adaptées et leur application doit être rigoureuse et efficace à tous les niveaux de la chaîne des exportations. Cela est censé être accompagné par la définition d'une stratégie à l'export, tout en renforçant la professionnalisation de l'ensemble des organismes et structures intervenants dans le secteur du commerce extérieur. Il ne faut pas oublier que le monde est en pleine ère de la compétition économique. Pour qu'on puisse arriver, en Algérie, à ce stade, cela exige impérativement des uns et des autres, chacun dans son domaine, d'élever au rang de valeurs constantes les concepts de cohérence, de transparence, de rationalité, de rentabilité, d'efficacité et de croissance. Les managers, de leur côté sont appelés à considérer l'intelligence économique et la veille comme de véritables modes de management pour arriver à avoir un produit exportable. Ils doivent également consacrer une part de leur bénéfice à la mise en œuvre et au développement d'un système de veille, afin de rester à l'écoute des marchés internationaux. Il faut bâtir progressivement un système d'intelligence économique, comme vivier de source, y inclure les agences d'études statistiques, les banques, les universités, l'élite algérienne à travers le monde, des économistes et des experts. Cela doit avoir comme objectif la mise en place d'une stratégie sur la question de l'économie dans une vision protectrice garantissant l'indépendance de l'Algérie face aux exigences commerciales des puissances occidentales, et ce tout en encourageant la diminution de l'importation. L'Etat est appelé à instaurer une culture de patriotisme économique au niveau de toutes les structures étatiques, y compris dans les structures de formation à tous les niveaux, à créer des centres de recherche communs entre les universités et les entreprises afin de promouvoir une collaboration génératrice d'un meilleur développement de la croissance économique du pays. En parallèle, nos chancelleries doivent jouer le jeu pour contribuer au développement de nos exportations hors hydrocarbures et de s'inscrire dans la démarche du développement durable. En somme, l'économie nationale mériterait plus de considération au niveau diplomatique.