Cette absence de cohésion, qui a toujours caractérisé le patronat algérien, a, cette fois encore, donné l'occasion au Premier ministre d'imposer sa feuille de route faite de quelques concessions et mesures à caractère beaucoup plus technique que politique, relatives au fonctionnement des entreprises, parmi lesquelles certaines n'ont consisté qu'à corriger sans réparation des préjudices causés par des décisions édictées par le gouvernement (cas du credoc). La suppression du credoc, à l'origine de nombreuses faillites d'entreprises de production, et la bonification des taux d'intérêt en faveur des investissements productifs depuis longtemps plombés par la cherté du crédit imposée par la Banque d'Algérie, en sont les parfaits exemples. Le Premier ministre a ainsi pu s'offrir le luxe d'éluder la question centrale de la politique économique du pays, notamment celle plus précise de la stabilité des cadres juridique et institutionnel depuis longtemps régis par les lois de finances, mais pis encore, par de simples lois de finances complémentaires qui peuvent, comme cela s'est produit en 2009, chambouler tout l'environnement des affaires. Le président du Forum des chefs d'entreprises, Rédha Hamiani, a bien eu raison d'évoquer cette épineuse question de la détérioration du climat des affaires provoquée par ce recours excessif aux lois de finances complémentaires, en suggérant une pause de 5 années durant laquelle aucune mesure législative ou réglementaire susceptible de remettre en cause le cadre existant ne sera promulguée. Une requête qui n'avait, à l'évidence, aucune chance d'être prise en compte par le Premier ministre, car portée par cette seule association patronale (FCE). Il faut dire que tant que le patronat sera traversé par des clivages doctrinaux cachant mal des conflits d'intérêt, des modes de gestion contestables et des manipulations politiciennes émanant souvent de certaines sphères du pouvoir, le Premier ministre, qui préside les travaux de la tripartite, a toutes les chances de jouer sur du velours, en donnant cette impression de toute puissance, celle d'un haut responsable qui ne cède en rien et n'accorde que ce qu'il avait prévu d'accorder. Une aubaine qu'il a, à l'évidence, voulu saisir pour se positionner comme candidat crédible à la prochaine élection présidentielle, en se présentant comme un homme politique fort, maîtrisant parfaitement la chose économique et, de surcroît, soucieux de protéger les entreprises nationales. Ce qui est, en réalité, impossible à réaliser dans les conditions actuelles, l'Algérie étant liée à des accords internationaux (ZL euro- méditerranéenne, OMC, etc.), qu'elle ne peut défaire sans de longues et fastidieuses négociations préalables. Il est par ailleurs évident qu'une politique de valorisation et de protection de la production nationale devrait d'abord commercer par une lutte acharnée contre le commerce informel qui a laminé l'industrie nationale. Ce n'est certainement pas la préoccupation de notre Premier ministre qui, il y a quelques semaines seulement, affirmait qu'il fallait faire avec les acteurs de l'informel, car capables, en cas d'empêchement, de déstabiliser le pays.