Le ministre des Finances réaffirme le maintien du crédit documentaire comme seul mode de paiement des opérations commerciales, mais note une démultiplication de son ouverture au niveau des banques dans des délais relativement courts. Karim Djoudi exclut ainsi tout recul du gouvernement à propos de ce mode de paiement et précise qu'il n'est question ni de l'annuler ni de l'adosser à un autre mode de paiement. «Il n'est pas question de remettre en cause le crédit documentaire (credoc), ni de réinstaurer le paiement par remise documentaire. Il y a simplement facilitations notamment pour les entreprises qui ont des activités productrices», nous a déclaré hier le ministre des Finances. Il faut reconnaître que l'information relative au rajout de la remise documentaire comme mode de paiement au profit des entreprises productrices a fait réagir de nombreux milieux d'affaires. C'est le président du Conseil national consultatif pour la promotion de la PME qui en est l'auteur. Il en a fait part mardi soir sur les ondes de la radio. Zaïm Bensaci a cru bon de redonner une note d'espoir aux nombreuses entreprises qui peinent à importer les matières premières pour assurer leur activité productrice, tant les conditions de l'ouverture d'un crédit documentaire sont compliquées. «Les dispositions de la loi de finances complémentaire 2009 sont des décisions qui ont empêché beaucoup de monde de dormir tellement elles touchent des intérêts considérables», nous expliquait hier Zaïm Bensaci. Il estime que «l'Etat est souverain de prendre la décision qu'il veut». Ceci pour répondre à «tous ceux qui ont violemment critiqué la LFC. Le président du CNCPPPME se déclare «foncièrement pour la LFC». Une loi qui, selon lui, a été décidée «pour mettre de l'ordre et assainir l'économie». Ceci étant dit, il ne s'empêche pas de souligner que «le credoc pose un problème de traçabilité : il coûte beaucoup d'argent et crée de grands problèmes aux entreprises productrices et aux PME dans les opérations d'importation des matières premières». Pour lui, la remise documentaire est le mode de paiement «qui assure la traçabilité et les conditions pour contrôler la marchandise importée, tout en accordant la possibilité à l'importateur de payer après». Bensaci pense par ailleurs que «si on veut contrôler la valeur de la marchandise importée, il faudrait commencer par en organiser le service au niveau des douanes». La réinstauration de la remise documentaire comme autre mode de paiement permettrait en tout cas, selon lui, «de dégonfler la bulle». «L'ouverture d'un credoc en moins de 6 jours» Tout en infirmant l'information relative au retour à la remise documentaire, le ministre des Finances nous a précisé hier qu'effectivement, «il y avait chez les entreprises importatrices un problème d'incompréhension du credoc comme choix unique de paiement». Djoudi nous dit avoir saisi l'occasion de sa rencontre hier avec les présidents des organisations patronales, les directeurs des banques publiques et le délégué général de l'ABEF (Association des banques et établissements financiers) pour en expliquer les raisons. Ses «invités» ont, selon lui, posé des problèmes pratiques de délais d'ouverture des crédits documentaires, de trésorerie et des contraintes de coûts. La réunion d'hier a été tenue, nous dit Djoudi, «suite à la rencontre tripartite qui a eu lieu au début du mois. Elle a eu comme ordre du jour deux aspects, la fluidification du crédit documentaire et la mise en oeuvre d'une matrice d'une réforme financière». Pour le premier point, le ministre indique ainsi qu'«il s'agit d'examiner les mesures susceptibles d'être prises par les banques en vue de fluidifier, au profit des opérateurs nationaux productifs, le financement des importations de leurs intrants par le biais du crédit documentaire, ainsi que celles visant l'amélioration des conditions d'accès des entreprises de production au financement bancaire». A titre de facilitations dans ce sens, il est enregistré, selon lui, au niveau des banques, «une démultiplication de l'ouverture des crédits documentaires jusqu'à près de 400%». Il explique que «les banques ont augmenté le rythme d'ouverture de ces crédits pour en faciliter les opérations aux clients. Ces crédits se font dans des délais relativement courts par rapport à ce qui se faisait auparavant». L'ouverture d'un crédit documentaire prend aujourd'hui, selon lui, moins de 6 jours. C'est sur la base de discussions avec les entreprises concernées que les banques ont par ailleurs décidé de diminuer les coûts y afférents. «Les coûts du credoc sont aujourd'hui identiques à ceux des transferts libres, ceci lorsqu'il n'y a pas de confirmation des crédits», rassure le ministre, qui précise que «la non-confirmation du credoc, qui permet ainsi de ne pas payer des frais supplémentaires, est décidée entre le client et son fournisseur». L'accord de leurs banques respectives doit en évidence leur être donné au préalable. Djoudi ne manque pas de souligner qu'«il existe une dizaine de formes de credoc: le client a ainsi le choix d'opter pour celui qui lui convient». Le ministre rappelle que si le gouvernement a décidé de supprimer la remise documentaire comme mode de paiement, «c'est parce qu'elle a engendré énormément de contentieux». Encore que «la remise documentaire est différente des transferts libres qui sont une pompe aspirante de devises, sans garantie du prix ni de la qualité de la marchandise». Il fait savoir que «90% des opérations commerciales par transferts libres ont été mauvaises». Le credoc restera à ses yeux «le mode de paiement qui permet d'avoir des dossiers en main, d'assurer la qualité de la marchandise importée, d'en négocier le prix, d'avoir une traçabilité et d'identifier les opérateurs». Une nouvelle matrice d'une réforme financière Il a d'ailleurs été question hier au ministère des Finances de discuter du comité devant être installé conformément aux recommandations de la dernière tripartite et dont la mission est de déterminer, avant mars 2010, toute mesure organisationnelle de nature à faciliter les opérations d'importations que les entreprises de production paient par credoc. Le délégué général de l'ABEF nous a expliqué hier le pourquoi de ce comité. «Il est vrai que le credoc exige un certain nombre de préalables et de conditions, les banques, les entreprises, tous ceux qui en sont concernés sont en train de traiter la question des délais, des coûts, des commissions à payer, des financements nécessaires entre le moment où le credoc est commandé et la couverture en dinars». Abderrahmane Benkhalfa estime qu'«il y a un important travail à faire de ce qui peut être apporté pour atténuer des coûts des crédits, des conséquences qui, on reconnaît, sont un peu lourdes». Pour lui, «il faut faire en sorte que le credoc ne soit pas une contrainte pour les entreprises productrices et celles qui apportent de la valeur ajoutée». Il note que «l'Algérie n'a rien inventé, le credoc est un instrument de paiement universel ; il introduit plus de rigueur entre les importateurs et leurs fournisseurs étrangers et accorde une valeur ajoutée en assurant la qualité du produit et la transparence dans les facturations conformément aux règlements internationaux». «Les banques, les importateurs algériens et les exportateurs étrangers ainsi que leurs banquiers doivent réfléchir sur toutes les facilitations du credoc, et pour que les coûts soient amoindris», dit-il. «Cette quadrature est en train de se fortifier pour aider les entreprises importatrices dans ce sens. Certes, chacun a sa logique, mais il faut faire en sorte d'optimiser la relation entre tous les acteurs», dit-il. «Cela dépend de la force de négociation. Les banques étrangères savent que plus les flux de marchandises sont importants, plus elles marchent ; c'est la même chose pour les fournisseurs», nous a-t-il répondu à propos de la participation des étrangers dans ce travail «de facilitation du credoc». Pour lui, «le credoc peut être, comme tout instrument, bon ou mauvais, mais ce n'est que par la façon dont il est négocié et optimisé qu'on peut le savoir». Le délégué général de l'ABEF avait pris le soin, avant toute chose, de démentir la réinstauration de la remise documentaire comme mode de paiement. «L'information n'a aucun fondement et elle n'engage que la personne qui l'a donnée,» a-t-il souligné. Pour ce qui est du second point de la réunion d'hier, le ministre des Finances nous a fait savoir qu'il est question pour toutes les parties concernées de mettre en oeuvre une matrice d'une réforme financière à partir du bilan de tout ce qui a été entrepris comme réformes dans le secteur. «Nous ferons ensemble le point sur ce qui a été entrepris comme réforme à ce jour et nous débattrons sur les contraintes des entreprises pour imaginer ensemble des pistes de réponses».