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L'invasion d'Abyei, nouveau coup dur pour les relations Nord-Sud
Soudan
Publié dans El Watan le 03 - 06 - 2011

L'armée nordiste du président Omar El Béchir s'est emparée, le 21 mai dernier, de la très disputée région d'Abyei, située sur la ligne de démarcation entre le Nord et le Sud du Soudan. Sommé par l'ONU de retirer ses forces, le président El Béchir a affirmé qu'Abyei était une terre du Nord. A deux mois de l'indépendance officielle du Sud-Soudan, l'accord de paix de 2005 entre le nord et le sud du pays pourrait subir un sérieux revers. Qu'en est-il des répercussions de cette nouvelle donne sur l'avenir des relations Nord-Sud ?
Le plus grand pays d'Afrique est de nouveau sous le feu des projecteurs. Quatre mois après le référendum sur la création du Sud-Soudan, le gouvernement de Khartoum a ravivé de plus belle les tensions entre les deux entités soudanaises. L'invasion de la zone d'Abyei, qui fait l'objet d'une âpre dispute entre le Nord et le Sud-Soudan, est vraisemblablement l'incident le plus grave depuis les affrontements meurtriers de 2008 entre l'armée gouvernementale de Khartoum et l'Armée populaire de libération du Soudan (la SPLA/M). Et le pire est à craindre lorsque l'on sait la fragilité d'un pays encore marqué par des décennies de guerre civile, et par un conflit au Darfour qui est loin d'être résolu.
Pour Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques, «cette intervention militaire renvoie aux enjeux de cette zone charnière entre le Nord et le Sud avec à la fois des enjeux ethno-régionaux, mais surtout pétroliers». La raison de l'invasion : l'attaque, le 19 mai, d'un convoi de l'armée soudanaise (SAF) escorté par des soldats de l'ONU, à quelques kilomètres au nord d'Abyei. Vingt-deux soldats sont tués, un incident qui met le feu aux poudres dans cette région déjà en proie aux affrontements depuis des mois. Khartoum accuse la SPLA de l'attaque. Malgré les excuses de celui-ci, le Nord-Soudan lance en représailles une offensive sur la zone d'Abyei, à l'aide de son artillerie lourde et de son aviation. Face à cette démonstration de force, le Sud crie à «l'invasion illégale», «qui viole tous les accords de paix». Au Nord, quelque 150 étudiants ont manifesté leur soutien à l'intervention, scandant devant le QG de l'armée à Khartoum «Une armée, un peuple !». Un engouement que ne partage pas l'ONU.
Le 21 mai, l'organisation, avec à ses côtés la communauté internationale, a exhorté le gouvernement soudanais à une «cessation immédiate des hostilités». Ce dernier a contre-attaqué en exigeant le retrait de la mission onusienne, la Minus (Mission des Nations unies au Soudan) dès le 9 juillet prochain, date à laquelle le Sud-Soudan accédera à son indépendance officielle. Pour rappel, la mission avait été créée afin de superviser la mise en œuvre de l'accord de paix de 2005, censé mettre fin à deux décennies de guerre civile entre le Nord, musulman, et le Sud, majoritairement chrétien et animiste. Forte d'environ 10 000 Casques bleus, le départ précipité de la Minus pourrait avoir de graves conséquences, aussi bien politiques qu'économiques. Selon Philippe Hugon, «un retrait prématuré de la Minus n'est pas souhaitable tant que l'accord de coopération entre le Nord et le Sud n'a pas eu lieu et que de nombreux contentieux demeurent, à commencer par les règles de répartition de la rente pétrolière». En effet, nul n'ignore que la rente des hydrocarbures constitue une des (nombreuses) pierres d'achoppement entre le Nord et le Sud, et la seule partition du pays ne pourra vraisemblablement pas résoudre tous les contentieux.
Abyei, illustration des limites de la partition ?
Pour clore le chapitre sanglant de la guerre civile entre le gouvernement de Khartoum et la SPLA, le peuple sud-soudanais a choisi de faire sécession. Cette partition, approuvée massivement par le référendum de janvier dernier, est pourtant loin d'avoir enterré tous les contentieux de la guerre civile. L'exemple de la région Abyei en témoigne. Beaucoup de spécialistes avaient prévenu du danger que représentait la non-délimitation des frontières entre le Nord et le Sud. L'Algérien Mohamed Sahnouni, ancien secrétaire général adjoint de l'ex-organisation de l'Unité africaine, déclarait en février dernier : «Il y a le problème frontalier dans la région d'Abyei qu'il serait souhaitable de régler rapidement, car on estime que les réserves de pétrole dans la région peuvent être la cause de grandes tensions.» Le problème n'a pas été réglé à temps, faute de référendum sur le statut de la région, qui aurait dû se tenir le 9 janvier dernier. Du coup, rien n'a abouti, et le statut d'Abyei est resté une source de conflits entre le NPC (Parti du congrès national de Khartoum) et le SPLM. Mais un engagement a été conclu le 9 mai : chacune des parties devait retirer à partir de cette date, et en une semaine, ses troupes de la région. L'engagement n'a pas été tenu non plus. Aujourd'hui, les deux camps s'accusent mutuellement d'envoyer des soldats irréguliers dans la zone, en violation de la trêve. Khartoum a condamné ce qu'il a qualifié d'«infiltrations» de soldats sudistes dans la région. Le report sine dine du référendum sur le statut d'Abyei aura donc contribué à sceller le sort de la région et de ses habitants par la force, ravivant les tensions déjà existantes.
Une épineuse relation Nord-Sud
En plus du statut d'Abyei, la question du partage des ressources naturelles demeure un des contentieux les plus difficiles à trancher, car elle cristallise des enjeux capitaux avec une production de 500 000 barils par jour et des réserves estimées à 5 milliards de barils. Le Sud-Soudan, qui concentre la majorité des ressources en hydrocarbures, doit rétribuer Khartoum, car il utilise les infrastructures du Nord pour l'exportation du pétrole. Une position d'autant plus délicate pour le Sud que le gouvernement nordiste a toujours tenté de l'affaiblir politiquement afin de contrôler ces ressources naturelles, vitales pour le maintien du régime. Par conséquent, même avec un Etat du Sud indépendant, le régime d'Omar El Béchir n'hésitera probablement pas à garder le plus longtemps possible la mainmise sur la région pétrolifère d'Abyei. Outre l'enjeu des hydrocarbures, mais aussi de l'eau, la région d'Abyei cristallise des tensions d'un autre genre. Le Soudan, pays charnière du monde arabe et africain, a le désavantage, comme beaucoup de pays de la région, de concentrer en son sein de fortes rivalités tribales. La région d'Abyei n'y échappe pas. Les frictions entre agriculteurs africains (Ngok Dinka) et éleveurs arabes (Misseriya) sont patentes et instrumentalisées : une guerre par procuration oppose Khartoum, qui soutient les tribus arabes, et la SPLA rangé du côté des Dinka. Ces différents ne favorisent pas la stabilité de la région.
Dernièrement, les milices nomades Misseriya, alors qu'elles démentaient toute présence à Abyei affirmant que ce n'était pas la saison pour faire paître leurs troupeaux, ont reconnu leur participation aux récents combats. Un des leaders, Ismaïl Mohamed Yousouf, a déclaré : «Nous n'évacuerons pas Abyei, même si les SAF se retirent. Notre tribu ne reconnaît désormais que la situation actuelle.» Et d'ajouter : «Nous rejetons l'organisation d'un référendum même si les Misseriya ont le droit de vote.» Une prise de position qui n'augure pas d'un apaisement des tensions inter-ethniques dans la région. Et la liste des autres enjeux post-référendaires, susceptibles eux aussi de fragiliser la relation Nord/Sud, est encore longue : problème de la dette extérieure du Soudan (le SPLM serait d'accord pour appuyer la demande d'annulation de la dette émise par Khartoum), de la délimitation des frontières, des eaux du Nil, de la citoyenneté des Sudistes résidant au Nord-Soudan (qui doivent maintenant obtenir un permis de résidence sous peine d'expulsion, la double nationalité étant interdite)… Vu les derniers événements, la question se pose de savoir si le Sud peut réellement gérer son indépendance, car il reste une des régions les plus pauvres et les plus fragiles du Soudan, mais aussi de la région, avec des forces militaires qui demeurent divisées. Et la récente invasion d'Abyei le force à gérer un «nouveau» conflit, aux répercussions à la fois politiques, économiques, militaires, mais aussi humanitaires.
«Nettoyage ethnique»
Depuis l'incident, des flots de populations fuient leurs maisons, laissant derrière eux une région désertée, en proie aux feux et aux flammes. Dans cette ville devenue ville fantôme, il ne reste que les hommes de la SAF et les milices Misseriya, qui se livrent aux pillages. Plus de 800 tonnes de nourriture et aide humanitaire auraient été volées, selon l'ONU. D'après un rapport du Haut Comité des Réfugiés aux Nations Unies, ce sont quelque 60 000 déplacés à l'heure actuelle qui ont massivement migré vers le sud du pays, afin de trouver refuge en zone sous le contrôle de la SPLA. Fuyant les colonnes de chars et de blindés, ces exilés de force – majoritairement de la tribu des Ngok Dinka – viennent alourdir le bilan des autres réfugiés soudanais, notamment celui des déplacés darfouris. Beaucoup d'habitants d'Abyei en fuite sont restés cachés dans la brousse, craignant les bombardements nordistes, qui n'ont pas hésité à faire des ravages parmi la population. Preuves à l'appui, le projet de surveillance Sentinel – chargé de surveiller l'émergence de violences après le référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan, et en partie financé par l'acteur George Clooney – a fait part de nouveaux clichés illustrant destructions délibérées, appropriation de propriétés, mais aussi (et c'est le plus inquiétant) de photos satellites indiquant qu'actuellement c'est un «nettoyage ethnique qui est en cours à Abyei». D'après le Satellite Sentinel Project, le régime de Omar El Béchir a commis «de graves violations des Conventions de Genève et d'autres crimes de guerre, dont certaines pourraient constituer des crimes contre l'humanité». Selon Philippe Hugon, «une catastrophe humanitaire est possible à la fois dans la région d'Abyei et dans le Sud-Soudan avec les divisions des forces du Sud et la possibilité pour Khartoum d'attiser certains groupes». «Nettoyage ethnique», «crimes contre l'humanité» … des expressions qui nous renvoient immédiatement à un autre conflit sanglant (et presque oublié) au Soudan, celui du Darfour. Alors que les regards se focalisent sur cette région centre du pays, on oublie souvent qu'au Darfour, la guerre civile perdure, opposant le gouvernement de Khartoum et les cavaliers Janjawid aux milices africaines. Reste à savoir si la perduration de ce conflit dans l'ouest soudanais peut constituer un nouveau contentieux entre Khartoum et le Sud-Soudan à l'indépendance de celui-ci, alors que le climat est déjà sous haute tension entre les deux Etats.
Khartoum prêt à négocier
Alors que les tensions Nord/Sud ont atteint leur paroxysme la semaine dernière, le gouvernement de Khartoum s'est dit prêt à une solution négociée. Appelant les populations à revenir dans la ville d'Abyei, le gouvernement soudanais a toutefois assuré que «les troupes des SAF resteront à Abyei jusqu'à la conclusion d'un nouvel accord de sécurité» et que personne ne pourra «décider unilatéralement du sort d'Abyei». Le dirigeant sud-soudanais, Salva Kiir, a lui exclu un retour à la guerre civile, affirmant «nous ne reviendrons pas à la guerre, cela n'aura pas lieu». Et c'est le Sud, dans une position délicate, qui a fait le premier pas samedi dernier, avec l'envoi à Khartoum d'une délégation de responsables menée par le vice-président sud-soudanais, Riek Machar. L'objectif de cette délégation : désamorcer les tensions autour d'Abyei, une première tentative de régler pacifiquement le conflit qui a, dans une certaine mesure, porté ces fruits, avec la cessation quasi totale des combats le lendemain. Cependant, entre un Nord déterminé et un nouveau Sud qui ne veut pas se laisser faire, rien ne semble acquis. Les chars sudistes et nordistes se lorgnent mutuellement au niveau de la frontière. Mais ce sont les SAF qui ont gagné du terrain à Abyei. Elles ont nommé lundi dernier un nouveau gouverneur pour la région, Izz-Eddin Osman, une nomination condamnée par le Conseil de sécurité de l'ONU.
Le nouveau gouverneur a assuré qu'Abyei était «maintenant complètement en sécurité». L'ancien gouverneur, quant à lui, est aujourd'hui «porté disparu», selon la SPLA.
Ainsi, Abyei est-elle victime de la malédiction du pétrole ou bien d'une sécession sudiste mal digérée par le Nord ? Quoi qu'il en soit, les relations entre Khartoum et le Sud auraient pu connaître des évolutions plus positives, en favorisant une étroite coopération et en évitant d'exacerber des tensions déjà existantes. Au regard de la conjoncture actuelle, il est fort probable que le temps de résolution des contentieux va s'allonger. Et la question se pose d'une contre-attaque sudiste si l'occupation persiste, même si elle n'est officiellement pas envisagée par la SPLA. En somme, un avenir qui ne laisse rien présager de bon pour l'avenir de ces relations désormais «inter-étatiques» déjà affaiblies par des années de conflit, de sombres prédictions que partage le spécialiste Philippe Hugon : «Ceci est de très mauvais augure pour le devenir du Sud-Soudan qui doit devenir indépendant le 9 juillet. Et sur le devenir d'une nécessaire coopération entre le Nord et le Sud.»


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