Les auditions des chefs de cour se sont poursuivies hier au siège de la Cour suprême, à Alger. Le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, a insisté sur trois points jugés « importants », à savoir le contrôle par le parquet de la garde à vue, la réception des citoyens au niveau des juridictions et la facilitation de la délivrance des décisions de justice, du casier judiciaire et du certificat de nationalité.Il a donné des instructions pour que les salles de réception du public soient bien équipées en mobiliers mais également en boissons chaudes et fraîches. « S'il s'avère qu'un magistrat ait refusé de recevoir un citoyen, il sera suspendu... », a déclaré le ministre. En parlant de l'état d'avancement de l'installation d'une bibliothèque à la cour de Chlef, qualifié d'« assez lent », le procureur général a mis le ministre hors de ses gonds. Ce dernier a adressé une question au procureur général de la cour de Chlef : « Est-ce que vous contrôlez le respect des horaires des audiences ? » « J'ai donné des instructions dans ce sens... », a répondu le procureur. « Les instructions ne suffisent pas, il faut un contrôle permanent... », rétorquera le ministre. La cour d'Alger, représentée par son président, a été citée au début comme « un exemple en matière de gestion ». C'est le tableau que voulait donner, au début, son président en disant qu'elle « ne souffre d'aucun problème ». Néanmoins, deux points noirs ont été relevés par le magistrat. Les tribunaux d'Hussein-Dey et de Bir Mourad Raïs « cumulent un retard énorme dans le traitement des affaires. En 2005, nous avons constaté que 60 000 procès-verbaux n'ont pas été transmis à la cour », déclare-t-il à ce sujet. A propos des centres de détention, le président de la cour d'Alger a avancé le nombre de 500 détenus, dont la majorité condamnés pour des affaires pénales. RETARDS ET ANOMALIES Le président a mis en avant « les carences » constatées au niveau de la chambre d'accusation, sans pour autant les citer, se contentant d'appeler le ministre à trouver des solutions. « Il faut maintenant aller vers la qualité des décisions et je reste intransigeant à ce sujet. Je vous ai toujours demandé de choisir des juges compétents et intègres pour les tribunaux les plus importants. Sidi M'Hamed, par exemple, qui traite des affaires aussi importantes que celles liées, entre autres, à la dilapidation des deniers publics comme ceux des banques, doit avoir des juges suffisamment formés pour pouvoir instruire les dossiers. Il n'est pas normal aussi que les juges d'instruction soient plus compétents que les magistrats de la chambre d'accusation. Celle-ci doit être, elle aussi, dotée de magistrats assez professionnels, compétents et intègres », a déclaré Tayeb Belaïz, avant de donner la parole à l'inspecteur général. Et ce dernier n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour parler de la cour d'Alger. « J'ai juste à dire que lors de notre dernière inspection, en avril 2005, le rapport de la situation ne conforte pas l'image de la capitale. Nous avons constaté de nombreuses anomalies et des retards dans le traitement des affaires », a-t-il lancé, laissant sans voix le président de ladite cour. Le ministre a attiré l'attention des magistrats sur la délivrance des mandats d'arrêt internationaux en disant : « Il faut que les juges apprennent à constituer un dossier sur la personne recherchée dès la délivrance du mandat d'arrêt. Souvent, après l'arrestation du criminel recherché, les autorités du pays où il est détenu nous demandent un dossier complet. Cela prend beaucoup de temps pour le constituer. » Le procureur général et le président de la cour de Boumerdès ont, quant à eux, fait état de quelques dysfonctionnements constatés au niveau de leurs juridictions respectives. Le procureur général a indiqué que le recours à la détention préventive reste exceptionnel, puisque l'incarcération du plus ancien prévenu remonte à mai 2005. « Il ne faut pas que vous soyez complexés par rapport à la détention préventive. Avec un taux de 11% ou 12% de prévenus par rapport à la population carcérale, nous sommes dans les normes. En France, ce taux est de 30%. La justice est là pour protéger la société. Les crimes de sang, les viols, la dilapidation des deniers publics sont des crimes qui incitent les juges à recourir au mandat de dépôt. La liberté provisoire ne doit être prononcée que quand il s'agit de cas primaires et de délits mineurs. Une dame a été lacérée à coups de couteau à cause d'un portable, et le voleur a été mis en liberté provisoire. Qu'en est-il de la protection de cette personne ? Veut-on la pousser à prendre une kalachnikov pour se venger ? Il est donc important de bien réfléchir à cette question », a-t-il affirmé.