Souvent, les ordonnances délivrées par les psychiatres sont utilisées frauduleusement. Les psychiatres qui participent à la sixième Rencontre internationale de psychiatrie Khaled Benmiloud, qui a eu lieu les 2 et 3 juin dernier à l'EHS Frantz Fanon de Blida, et sous la thématique : «Psychiatrie et société : enjeux juridiques», ont relevé que les ordonnances et/ou les certificats médicaux qu'ils délivrent quotidiennement à des fins thérapeutiques et/ou de prise en charge sociale sont sujets à des utilisations dérivées, voire déviées et/ou abusives par les patients et leurs familles, l'administration et la justice. Par aïlleurs, un patient traité pour des troubles psychiques, même stabilisé, est susceptible d'utiliser ces documents pour se soustraire à la justice. Une transaction commerciale faite par une personne avec un passé médical d'ordre psychiatrique peut faire l'objet d'une contestation par les membres de sa famille en utilisant ces documents. Face à cet amalgame, le médecin peut être appelé à répondre, notamment devant la justice, des faits dérivés ou déviés de l'acte médical qu'il a prescrit, d'où les difficultés qu'il rencontre dans son travail quotidien. A titre d'illustration, une personne avec un passé médical et un état stable sous traitement et titulaire d'une carte de handicapé mental, délivrée à des fins de prise en charge sociale, a sollicité un financement d'une activité de service qu'il projette créer auprès de l'Ansej dans le cadre du dispositif mis en place par les pouvoirs publics. Cette agence mise au courant par la Cnas, dans le cadre d'un contrôle, de son passé médical, saisit le service de psychiatrie de Blida pour se prononcer sur sa capacité à gérer une micro-entreprise. Cette demande ne peut relever de la compétence du médecin traitant pour des considérations sociales et juridiques, constate le professeur Bachir Ridouh, médecin-chef du service de psychiatrie médico-légale de Blida. La complaisance dénoncée Un autre cas typique est l'histoire d'un psychiatre qui a vu sa responsabilité pénale engagée parce qu'il n'avait pas vérifié l'identité d'un patient qui s'est présenté dans son cabinet par usage et déontologie. Présentant un état anxieux, le médecin prescrit au malade, ou précisément au faux malade ausculté, un traitement et un arrêt de travail d'une quinzaine de jours. Trois mois plus tard, le toubib reçoit la visite du chef médecin de la Cnas où est censé travailler le prétendu patient accompagné de deux policiers. Il apprit par ces visiteurs, que lors de l'établissement dudit certificat, le patient mentionné sur le certificat médical se trouvait en prison. Il a été accusé de complicité et de complaisance, au lieu d'avoir étévictime d'abus de confiance, car n'ayant pas contrôlé l'identité du présumé patient en application de la déontologie médicale. Jugé, l'infortuné médecin a écopé d'un emprisonnement d'un an avec sursis et d'une amende de dix mille dinars, en première instance. En appel près la cour de Blida, il obtint heureusement l'acquittement, néanmoins, avec tous les déboires et les désagréments qui en découlent. Face à la «judiciarisation» des actes médicaux, les médecins présents au colloque ont été unanimes à considérer que même s'ils disposent d'outils thérapeutiques pour la prise en charge efficace des malades, ils s'exposent, tout de même, à rendre compte, non seulement aux patients, mais aussi aux instances administratives et judiciaires. Enfin, cette sixième Rencontre scientifique a été organisée par l'EHS Frantz Fanon et la faculté de médecine de Blida. Elle a vu la participation outre des psychiatres, du personnel médical, des psychologues, sociologues et magistrats, avec la présence de délégations française et tunisienne. Les répercutions d'un acte médical d'ordre psychiatrique, d'apparence simple sur le plan juridique, ont été longuement débattus lors de ce colloque. Ce dernier a été couronné par la présentation de plus d'une vingtaine de conférences captivantes.