Reçus hier par la commission Bensalah, les membres de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH) ont plaidé pour un projet de société moderne et démocratique et une sortie de crise à travers des mesures pour le moins audacieuses, en rupture avec les pratiques actuelles. La couleur est annoncée dans le préambule d'un document intitulé «Plateforme pour un changement démocratique pacifique», dans lequel les rédacteurs se disent convaincus que le mal de notre pays ne réside ni dans la Constitution ni dans les lois que le président de la République veut changer. «L'Algérie est malade de son système politique, enchaîné par ses gouvernants», écrivent les quatre juristes consultés par la commission. Dans son approche, la LADH considère que la révision des lois, avant l'adoption d'une nouvelle Constitution, risque de porter atteinte aux acquis et aux principes même de la Constitution et aux normes universellement admises. Face à un état des lieux dépeint par les membres de la LADH comme un tableau noir, «le pouvoir est en décalage par rapport à la réalité sur le terrain et ne semble pas avoir suffisamment saisi le besoin pressant de changement», lit-on encore. Pour la LADH, un changement démocratique réussi passe nécessairement par le désarmement des esprits et la conciliation de l'Etat avec la société d'abord et, ensuite, par la restitution de la souveraineté au peuple. Le premier préalable est conditionné par l'ouverture d'un débat national axé sur les perspectives d'avenir, la dissolution de l'Alliance présidentielle (dont la création, estime la Ligue, a constitué un autre facteur de dysfonctionnement du système politique et un blocage au processus de démocratisation dans notre pays), le retrait effectif de l'armée du champ politique, la traduction en justice des auteurs présumés des violations et abus des droits de l'homme, ainsi que les dirigeants cupides et véreux. Le document propose aussi de revoir la place de la femme dans la société en lui permettant une participation effective au processus décisionnel, tout en interdisant dans les lois le recours inapproprié à la religion et les pratiques traditionnelles comme prétextes pour commettre des violations massives et flagrantes contre les femmes. L'organisation de maître Boudjemaâ Ghechir avertit aussi sur les effets toujours menaçants d'une réconciliation mal assumée : «Si l'on veut éviter que notre avenir ne connaisse la barbarie qui a marqué notre passé proche, pour qu'à l'horreur du terrorisme ne s'ajoute pas l'impunité (…), il faut traduire les criminels en justice», lit-on à ce sujet. Le second préalable, rendre la souveraineté au peuple, passe, selon la Ligue, par la création d'une Assemblée constituante. «Seule une Assemblée constituante réellement représentative du peuple algérien, dont les membres seront élus au suffrage universel, a la légitimité pour répondre à la grave crise politique actuelle», soutiennent encore les animateurs de la Ligue. Me Ghechir a affirmé, hier à El Watan, qu'en réaction à cette proposition, Abdelkader Bensalah a fait comprendre que le président de la République n'était pas contre cette option qui, par contre, pourrait être envisagée sous une autre appellation. Par ailleurs, des réformes constitutionnelles, institutionnelles ainsi que la redéfinition des fondements culturels de la société algérienne sont nécessaires pour mener à bien cette entreprise. Entre autres, la plateforme propose de revoir la relation entre la religion et la politique, jusque-là ambiguë et source de problèmes politiques.Comme solution aussi, la Ligue propose un découpage administratif du territoire en grandes régions, estimant que «la décentralisation tire sa justification des carences de l'action étatique et des difficultés que connaît le pouvoir central dans sa démarche pour assurer une bonne couverture du territoire national et répondre aux besoins exprimés par la population».