Pour la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), les émeutes qui secouent le pays depuis quelques jours sont l'expression d'un marasme social et politique profond. Dans une déclaration parvenue, hier, à notre rédaction, la Ligue de maître Boudjemaâ Ghechir estime que «l'état de délabrement moral et politique d'un pays qui vit au rythme des émeutes et de la répression au quotidien est porteur de tous les dangers d'implosion». Regrettant les dégâts humains et matériels engendrés par les émeutes, la LADH désigne le pouvoir comme responsable de la dépolitisation des Algériens et du dérapage, conséquence directe, selon le document, du laminage de la société civile, des syndicats et partis politiques, cadres légaux et légitimes pour l'exercice de la citoyenneté et l'éducation à la démocratie. Le pouvoir est tenu aussi responsable parce qu'il a livré l'économie et le commerce aux barons de l'informel qui imposent leur loi sur le marché, et pour sa politique caractérisée par le manque de visibilité et de transparence, et l'absence flagrante d'engagement dans la bataille contre la corruption. «L'arbitraire a fini par désabuser la population à l'égard des lois ; les citoyens se sentent complètement délaissés et expriment de plus en plus violemment leur désespoir», lit-on encore dans la déclaration. Sur la base de ce constat, la Ligue dénonce «les dérives et les carences de l'information», déplore «la défaillance totale des médias officiels» et condamne «l'utilisation des armes à feu avec des balles réelles contre les manifestants et les arrestations arbitraires et aveugles des jeunes». Le document appelle aussi les autorités à procéder immédiatement à la levée de l'état d'urgence, à ouvrir le champ politique et à ratifier le protocole additionnel au pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 2008. La LADH, pour laquelle la recherche d'une sortie de crise appelle un renversement significatif des approches et des pratiques, appelle aussi à procéder à la libération des personnes détenues, à mener une enquête impartiale pour faire toute la lumière sur l'utilisation des armes à feu avec des balles réelles par des agents de l'ordre contre les manifestants, et à garantir les libertés individuelles et collectives, dont le droit à l'information et le droit de manifester pacifiquement.