L'Algérie est-elle suffisamment immunisée contre les menaces extérieures ? Peut-on concevoir une sécurité nationale adossée à une vieille logique, antérieure aux nouvelles technologies d'information et de communication ? C'est à ces problématiques d'une brûlante actualité que le Centre de recherche stratégique et sécuritaire (CRSS) dirigé par Mhand Barkouk a tenté de répondre, hier, via Dr Abdelhafid Dib, spécialiste des questions sécuritaires et stratégiques. Ce dernier a d'entrée expliqué que les guerres se mènent désormais sur le terrain du renseignement. Et sur ce terrain, le conférencier soutient que l'Algérie est loin d'être imperméable. «Il ne faut pas être naïf, nous sommes une société infiltrée», assène-t-il. Il en veut pour preuve que tous les systèmes informatiques et les logiciels qui font fonctionner nos banques et nos entreprises sont conçus par les étrangers. «Celui qui conçoit ces équipements est capable d'infiltrer n'importe quelle banque de données et pourrait, s'il le veut, provoquer des incidents plus ou moins graves dans un pays donné», estime M. Dib. Et d'ajouter : «Nous sommes vulnérables en matière de renseignements vis-à-vis des grandes puissances qui nous vendent ces équipements et appareils.» L'orateur a invité l'assistance à imaginer, à titre d'exemple, les conséquences sociales d'un éventuel blocage des comptes CCP. Comment faire face à un mouvement social de 12 millions de personnes qui réclameront leur argent simultanément ? Voilà un scénario d'explosion sociale auquel l'Algérie pourrait être confrontée par une simple manipulation des données informatiques depuis l'Algérie où de l'étranger. Abdelhafid Dib, qui donne des conférences même aux officiers supérieurs de l'armée, distingue, en effet, deux possibilités d'infiltration. Il y a d'abord la méthode sophistiquée (pénétration) qui consiste à puiser de l'extérieur des données grâce aux logiciels et autres réseaux. La déstabilisation au bout du clic Il y a la méthode classique qui consiste à avoir des hommes de main dans le pays ciblé chargés de transmettre les renseignements auxquels ils ont accès grâce à leur position dans leurs services. Mais dans les deux cas, la finalité étant d'obtenir frauduleusement des informations frappées du sceau de la sécurité nationale donc stratégiques pour un usage politique ou militaire, culturel voire économique. Comment alors faire face à cette toile d'araignée d'espions internes et externes à facebook et autres réseaux sociaux truffés de «James Bond» qui filtrent nos discussions, traitent nos échanges et lisent secrètement nos mails ? Pour le conférencier, à l'état actuel de domination technologique, il serait naïf de croire qu'on pourrait y arriver. Abdelhafid Dib pense que seul un système éducatif d'excellence adossé à un vrai patriotisme – pas celui du ventre – est à même d'assurer un travail de prévention. «Au lieu d'acheter un chasseur Sukhoï à 40 millions de dollars, il est préférable de financer la formation d'un corps universitaire d'élite chargé de prévenir et de contrecarrer ces opérations d'infiltration.» Sur un autre plan, Dr Dib affirme que «l'immunité individuelle» constitue le meilleur atout pour faire face aux manœuvres de déstabilisation venant de l'étranger. «Il faut que les responsables et chaque Algérien dans sa position soient profondément patriotes pour défendre et ne pas ‘‘fuiter'' des renseignements de nature à créer le danger dans leur pays», recommande-t-il. Tel n'est évidemment pas le cas de l'état, en berne, du patriotisme en Algérie. Les participants à la conférence étaient hier unanimes : la bonne gouvernance est la meilleure immunité pour l'Algérie.