En l'absence des représentants de la véritable opposition, le pouvoir a fait appel à une opposition maison, estime les observateurs. Quels seront les résultats des consultations sur les «réformes politiques» entamées depuis le 21 mai dernier ? La question a été posée dès l'annonce, le 15 avril dernier, de l'installation, par le président Bouteflika, de l'instance chargée de cette mission. Et deux semaines après le début de ces consultations, on commence déjà à connaître les premiers éléments de réponse : ce n'est qu'un coup d'épée dans l'eau. Les critiques faites par les principaux partis de l'opposition concernant la composante de l'instance de consultations et la démarche choisie par le pouvoir pour réaliser «des réformes politiques» se confirment déjà. Au bout d'une quinzaine de jours de travail, l'instance que préside Abdelkader Bensalah n'a offert qu'un piètre plateau, tant sur la qualité des invités ayant honoré son invitation pour le moment, que sur celle des propositions recueillies. L'instance a démarré du mauvais pied. La troïka, Bensalah-Touati-Boughazi, a essuyé, avant même d'entreprendre sa tâche, le rejet des grosses pointures de la politique nationale. Le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) ont annoncé le boycott de ces consultations au lendemain même de leur annonce. Le pouvoir mise pourtant sur eux pour accorder une crédibilité à sa démarche. D'autres défections suivront. Le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, Mustapha Bouchachi, a, lui aussi, décliné l'invitation de Bensalah, en critiquant la démarche. Dans une tribune publiée dans la presse nationale, l'ancien chef de gouvernement, Mokdad Sifi, rejette lui aussi l'invitation en expliquant que «la source du problème en Algérie est le pouvoir lui-même». D'autres poids lourds de la politique nationale ont aussi refusé de jouer le jeu. Le pilote des réformes de 1990, Mouloud Hamrouche, l'ancien secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri, et l'ex-chef de gouvernement, Ali Benflis, ont également dit non à Bensalah. C'est déjà suffisant pour mettre le pouvoir dans une position inconfortable. L'appel lancé, la semaine dernière, à l'opposition par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, pour participer à ces consultations en est la preuve. Face à cette situation, le porte-parole de l'instance de consultations, Mohamed Ali Boughazi, s'est senti même obligé de s'expliquer et de rappeler que la structure n'est «qu'un intermédiaire entre la Présidence et la classe politique». «Il ne faut pas confondre cette instance avec la Commission du dialogue national (CND)», a-t-il déclaré. Comment faire pour palier ses défections ? L'instance semble avoir préparé le plan B, qui consiste à fouiller dans les tiroirs du système pour faire sortir de l'ombre «des personnalités» et des chefs de parti inconnus des Algériens. On a alors fait appel à des petits partis sans aucune assise populaire et à des organisations satellites du FLN et du RND pour meubler un décor, toujours affreux. Si ce n'est les sorties de Sid Ahmed Ghozali, de Boudjemaâ Ghechir, de la sénatrice Zohra Bitat et du général à la retraite, Khaled Nezzar, le monologue, qui se déroule actuellement à El Mouradia, ne sortirait pas de la monotonie qui le caractérise depuis le début. Mais même ces sorties suscitent le doute chez les observateurs. «En l'absence de la vraie opposition, le pouvoir fait appel aux services d'une opposition maison», commentent les observateurs.