Hamid Mokaddem, professeur agrégé de philosophie, en poste à l'Institut de la formation des maîtres de la Nouvelle-Calédonie (IFMNC), a animé, samedi dernier à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, une conférence-débat sous le thème «du devenir des déportés et transportés algériens dans la Nouvelle-Calédonie du 19e siècle». Les différentes composantes démographiques du peuple de la Nouvelle-Calédonie contemporaine, dont la communauté dite des «Arabes» d'Algérie, ainsi que les relations entretenues entre ses groupes ethniques avec la communauté des kanaks, qui se prépare à négocier sa souveraineté au niveau de cet archipel mélanésien, situé à quelque 20 000 kilomètres d'Algérie, ont été également passées en revue par le conférencier.Le propos du professeur Mokaddem n'est pas de relater l'histoire sociale ou politique de la déportation des bagnards maghrébins du XIXe siècle par la force coloniale française vers la Nouvelle-Calédonie, mais de tenter de «comprendre leur devenir au sein du devenir politique du peuple calédonien.» «En Nouvelle-Calédonie, a-t-il fait savoir, les communautés se désignent par leurs appartenances culturelle, historique et ethnique. Il n'est pas choquant de désigner et de dire les Chinois, les Vietnamiens, les Tahitiens… Il existe même des associations ou des amicales pour chaque communauté. Les Calédoniens d'origine arabe se revendiquent comme Arabes de Calédonie et s'identifient avant tout comme Calédoniens». Entre 1874 et 1897, poursuit l'orateur, il a été enregistré 1822 transportés et 126 déportés politiques algériens en Nouvelle-Calédonie. La première vague de déportés, poursuit-il, a touché notamment les chefs de l'insurrection d'El Mokrani et du chef de file de la Tariqa Rahmania en Kabylie, cheikh El Haddad. Le frère du cheikh El Mokrani, le bachagha Boumezrag El Mokrani et le cheikh Abdelaziz, fils du cheikh El Haddad, figurent également parmi les déportés en Nouvelle-Calédonie, notera le conférencier. L'anthropologue souligne que le bachagha Boumezrag ne sera gracié qu'en 1904, après 30 années d'exil, et décéda peu après à Alger, le 11 juillet 1905 précisément. Certains parmi les exilés politiques sont morts en purgeant leur condamnation, alors que d'autres sont tous revenus en Algérie après leur bagne. Ils n'ont laissé aucune descendance dans cette dépendance française de 250 000 habitants, fera savoir le conférencier, en signalant qu'un «processus d'acculturation», qui s'expliquera «par la francisation des prénoms», a été provoqué par ce «déracinement» des élites traditionnelles par cet exil forcé. «Les Algériens étaient obligés de prendre des prénoms chrétiens», dira le professeur Mokaddem.