Un mythe, tout au moins une idée reçue, est tombé, il y a deux jours. Les descendants des Algériens déportés en Nouvelle-Calédonie n'ont pour aïeux ni cheikh Aheddad (1790-1873, chef de la confrérie Rahmania) ni cheikh El-Mokrani (1815-1871). Mieux encore, ils ne sont pas majoritairement originaires de la Kabylie. Des “vérités” formulées par le professeur Hamid Mokkadem, dimanche en fin de journée, lors de la conférence intitulée “le devenir des déportés algériens transportés en Nouvelle-Calédonie” qu'il a animée au Centre culturel français d'Alger. “Ceux qui ont été déportés suite à la révolte des Mokrani de 1871 n'ont laissé aucune souche en Nouvelle-Calédonie”, a-t-il affirmé, en s'appuyant sur les résultats de ses recherches “qui sont toujours en cours”. Les Calédoniens d'origine algérienne sont, selon le conférencier, tous des descendants des déportés de droit commun. Le professeur agrégé en philosophie, qui vit et travaille dans cet archipel de l'Océanie depuis 1989, est catégorique. Ainsi, il y a eu 127 déportés politiques algériens en Nouvelle-Calédonie. 11 personnes parmi eux n'ont pas survécu au périple (la distance entre l'Algérie et la Nouvelle-Calédonie est de 22 000 kilomètres) effectué dans des conditions inhumaines. Il faut préciser que tous étaient des hommes. Ces exilés étaient des aristocrates “cheikhs, marabouts, entre autres” et “ils étaient lettrés”, a-t-il tenu à préciser. Aucun d'eux n'aurait donc laissé de progéniture en Nouvelle-Calédonie “tous sont rentrés en Algérie ou ailleurs”. Sur ce point, l'historien Daho Djerbal, présent dans la salle, a voulu donner quelques précisions sur la “confusion” entre “ce qui est de l'ordre du droit commun et des déportés politiques”. Tout en incitant à revenir sur les travaux d'un autre historien algérien, Mahfoud Kadache (1921–2006), il affirma qu'“il y a eu des cas où pour un simple regard envers un Français, des Algériens ont été exilés en leur donnant le statut de déporté politique”. Il donnera quelques détails sur certaines figures historiques qui étaient parmi les déportés politiques algériens. Il rappellera que les deux fils de Cheikh Aheddad envoyés en Nouvelle-Calédonie s'étaient distingués, entre autres, par le fait qu'ils avaient refusé de mater une révolte des autochtones “alors que d'autres Algériens avaient accepté”. L'un d'eux, Aziz, est connu pour son évasion rocambolesque qui l'a amené à Sidney (Australie), l'Arabie Saoudite en passant par l'égypte (il est mort à Paris le 22 août 1895). Le professeur Hamid Mokkadem parlera aussi de Boumezrag, le frère de Cheikh El- Mokrani, “il était un bon cavalier et il avait créé un système des postes à cheval qui aurait pu prendre une très grande envergure mais il était tellement amoureux de sa patrie qu'il est rentré au pays”. Même si le conférencier ne l'a pas mentionné, il faut rappeler, que l'un des descendants du frère d'El- Mokrani a également laissé sa trace sur… le football algérien, il s'agit de Mohamed Boumezrag (1921–1969), premier entraîneur de l'équipe du FLN en 1958 et dont le stade de Chlef porte le nom actuellement. Alors de qui descendent ces Calédoniens revendiquant leur origine algérienne ? Ils auraient donc tous pour aïeux des déportés de droit commun, ce que Hamid Mokkadem appelle “les transportés”. “Il y a eu 1 822 déportés de droit commun magrébins sur les 22 000 transportés en Nouvelle-Calédonie”, précisa l'auteur de “l'anthropologie politique de Nouvelle-Calédonie” en indiquant que “le nombre de ceux qui se revendiquent actuellement comme leurs descendants oscille entre 500 et 700”. À une question d'une personne présente dans l'assistance sur l'origine de ces déportés de droit commun, Hamid Mokkadem répondit qu'“ils sont venus de toutes les régions d'Algérie, de Béjaïa, de Blida, de Biskra, de Bône, de Sétif, etc...”