Quel rôle peut jouer la société civile pour apporter le changement tant attendu par tous ? Nabni a donné la parole à des personnalités de divers horizons. Débat. A J-22 du lancement officiel du programme Nabni 2012 – si toutefois les pouvoirs publics acceptent de l'adopter–, les initiateurs ont fait une halte «débat» pour faire le point sur leur démarche. «80 mesures ont déjà été adoptées et nous voulions ouvrir le débat avec des membres de la société civile pour un partage d'expériences et des échanges d'idées en vue d'élargir notre démarche avant de clôturer notre plan le 5 juillet prochain», explique d'emblée le porte-parole de l'initiative, Abdelkrim Boudraâ. Les organisateurs ont donc invité, samedi à la salle Frantz Fanon, des personnalités de divers horizons à prendre la parole pour exprimer des soutiens ou encore des critiques. Ainsi, le professeur Chaulet, Aïcha Barki, présidente de l'association Iqra, Omar Belhouchet, directeur de la publication d'El Watan, l'architecte Halim Faïdi et Kheireddine Zetchi, président de l'académie de football du Paradou, sont intervenus pour témoigner de leur engagement, chacun dans son domaine. Quel rôle peut jouer la société civile pour apporter le changement tant attendu par tous ? Ils se sont tous exprimés tour à tour pour y répondre et ainsi désigner ses potentialités autant que ses limites. Nabni, la politique autrement Le Pr Chaulet commencera par mettre en avant l'importance d'ouvrir le débat : «Avec tous les problèmes qui se posent actuellement, tout le monde a besoin de débattre, notamment dans le domaine de la santé qui est l'affaire de tous.» Le Pr Chaulet dresse un état des lieux alarmant du système de santé algérien – qui fait d'ailleurs l'actualité avec la grève des médecins résidents – en précisant qu'il s'agit de savoir quelle santé nous voulons à l'heure actuelle ? Problème de la carte sanitaire, échec du service civil, système disloqué, autant de constats qui l'amènent à penser qu'«il faut arrêter de rêver et revenir à des choses simples». Pour lui, Nabni est incontestablement «une nouvelle façon de faire de la politique». Les petites mesures sont, à son sens, d'une grande importance. Comment les réaliser ? C'est sur cette question que s'arrêtera Omar Belhouchet. Dans le contexte politique actuel, toutes les bonnes initiatives se heurtent à «un régime autoritaire qui empêche les Algériens d'être autonomes», précisera-t-il pour commencer. En évoquant les révolutions arabes qui imposent une exigence de changement, il soulignera que «l'Algérie est forcément dans une phase de transition», mais tout en gardant une note de scepticisme quant au rôle que peut jouer la société civile : «Les pouvoirs publics ont bien prouvé des années durant qu'ils veulent garder un contrôle total et que toute autonomie initiée par la société civile ne peut être arrachée qu'en guerroyant avec eux.» Sur cette question, l'association Iqra s'est justement démarquée. «Avec l'aide des pouvoirs publics, nous avons pu permettre à plus d'un million d'Algériens d'accéder à des cours d'alphabétisation», précisera Aïcha Barki en invitant toute l'assistance «à croire au changement en faisant preuve de pugnacité». Autre exemple de combativité : la création de l'académie de football du Paradou par Kheireddine Zetich. «Le sport algérien traverse une véritable crise qui perdure et ce n'est pas la dernière défaite des Verts qui contredira cet état de fait. On s'est alors inspiré de ce qui se fait ailleurs et on a lancé notre académie pour justement travailler sur ce qui nous fait défaut : la formation», affirme-t-il. Quatre années plus tard, le résultat est plus que prometteur : 32 000 enfants sont scolarisés et pris en charge par cette académie qui espère en faire de grands footballeurs. Mais ces exemples d'engagement et de réussite «ne sont pas représentatifs», assure Omar Belhouchet : «Tant d'autres initiatives ont été étouffées pendant que des sommes faramineuses n'ont cessé d'être allouées à des associations sans qu'on en voit les résultats.» Le débat s'anime et les constats d'échec se multiplient. Absence remarquée de la jeunesse Autre terrain glissant qui illustre la défaite des autorités depuis des décennies : l'urbanisme. L'architecte Halim Faïdi empruntera à Martin Nadeau sa célèbre citation pour faire à son tour son constat d'échec : «Quand le bâtiment va, tout va», arguera-t-il pour entamer son discours. «Le bâtiment draine des milliers de métiers, mais aussi beaucoup d'argent et de réseaux de corruption d'où l'échec cuisant de l'Algérie dans ce domaine.» L'initiative Nabni, qui a fait appel à lui pour son volet stratégique sur l'urbanisme à l'horizon 2020, l'intéresse justement parce qu'elle travaille sur le concept de «vision» qu'il défend. «L'Algérie a besoin de vision, d'idées et de projets. L'urbanisme qui est un instrument politique en dépend aussi», prévient-il, en soulignant les lacunes de visibilité et de stratégie des autorités. «Faire des propositions, c'est bien, mais encore faut-il s'assurer qu'elles puissent être prises en compte», assène-t-il. Ce qui amène à politiser inéluctablement le débat. Les initiateurs de Nabni se sont montrés très réceptifs aux différentes réflexions et critiques formulées par les invités auxquels ils ont répondu sans emphase. Mis à part l'absence des moins de 30 ans à cette rencontre, le débat a d'ailleurs été apprécié et très animé. Tellement qu'il est difficile de rapporter toutes les nuances soulevées. Elias Chitour et Najy Benhassine, membres du comité de pilotage de Nabni, n'ont pas manqué de dévoiler le contenu des dernières mesures sur lesquelles ils travaillent actuellement. «Elles portent sur les problèmes de gouvernance, de transparence, de corruption et de l'arbitraire dans l'administration», déclarent-ils. Un thème qui aura de quoi soulever encore la polémique qu'ils veulent constructive, évidemment.