Le Musée de l'eau de Toudja et l'association Gehimab sont revenus sur le pas de nos ancêtres. Ils ont convié, jeudi dernier, l'archéologue et historien, Jean Pierre de Laporte, qui a présenté un condensé de la documentation, amassée depuis 1950 jusqu'à aujourd'hui, sur les allées couvertes de Kabylie. Le conférencier, chercheur au CNRS en France, a exposé, au cours de la conférence, un historique des travaux archéologiques effectués, des épures et les résolutions scientifiques qui en ont découlé. Les allées mises au grand jour sont au nombre de neuf. Elles sont disséminées à travers le massif montagneux de la Kabylie. Ibarissen (Toudja) et Pointe Ksila, à Takdempt, le village libyque maritime (Dellys), Ifri Bou Waghzen à Aït Garet et Aït Raouna (Grande Kabylie). Les galeries, ou ce qu'il en reste quand elles ne sont pas effondrées, sont encombrées ou ensevelies.Les fouilles, qui n'ont pas été beaucoup plus loin que l'entrée, ont révélé des allées perpendiculaires aux pentes et des allées en progression abrupte. Le confortement des allées découvertes n'est pas quelconque. Il obéit à des règles d'agencement communes : des murs de pierres superposées de 2 mètres de hauteur, surmontés d'un toit de dalles d'un gabarit énorme, sortes de dolmens, posées les unes sur les autres en escaliers et jointes au centre d'un faîtage. Les fouilles d'Aït R aouna, entreprises en 1969 par Jean Claude Musso, ont dévoilé une entrée que prolonge un vestibule et qui réserve sur un côté un caveau. Dans le même site archéologique, des abris naturels aménagés, de quatre mètres de côté, sont dégagés des décombres. L'exploration a permis de découvrir des restes humains provenant d'inhumations secondaires, 541 poteries dont 171 sont modelées, 346 tournées et 24 à vernis noir, des perles de verre et des coquilles ainsi que des restes de poissons. La résolution archéologique a déduit une datation remontant au IIIe siècle av J.-C. Elle a aussi établi un type de population libyque à vieille tradition libyco-berbère (mégalithisme et inhumation secondaire) pauvre et vivant en partie dans la mer. Les débats auxquels ont pris part des sociologues, géologues, anthropologues, archéologues et des responsables de la circonscription archéologue de Béjaïa ont fait ressortir que cette découverte, ajustée à celle des Mechtas Affalou (- 20 000 ans) et la pierre récemment mise au jour près de Semaoun retracent, en dépit de périodes historiques hachurées, un fil conducteur qui reste encore à étayer. Elles dénotent, toutefois, conviennent-ils de conclure, un ancrage lointain sur cette terre des populations locales. La recherche sur les allées couvertes de Kabylie n'a reçu aucun élément documentaire nouveau depuis 1970. Une reprise des fouilles dans cette région riche en sites archéologiques ne serait sans doute que plus révélatrice.