Une délégation américaine conduite par Mark Adams, haut conseiller au Bureau des affaires politiques et militaires auprès du département d'Etat, achève aujourd'hui une visite de trois jours à Alger. Cette délégation composée de membres du département de la Défense et de la Sécurité intérieure a eu à s'entretenir au cours de son séjour avec de hauts responsables algériens, à leur tête le conseiller du président, Kamel Rezag Bara, note un communiqué émanant de l'ambassade des Etats-Unis à Alger. Au menu de cette visite, qui intervient moins de quinze jours après celle effectuée par le commandant du commandement de l'Africom, Carter Ham, la crise libyenne et ses conséquences sur la sécurité dans la région. Cette visite, qualifiée dans le communiqué américain de «nouvelle étape dans la coopération sécuritaire et antiterroriste croissante entre les Etats-Unis et l'Algérie», entre «dans le cadre de consultations portant sur les risques de prolifération d'armes de tous types, en particulier l'armement spécialisé dans la sous-région en relation avec la crise libyenne», note le même communiqué. Ces «consultations» ont abouti à des «échanges d'analyses et d'informations sur la question sensible de la circulation d'armes ainsi qu'à une évaluation exhaustive du risque majeur de leur récupération par les groupes terroristes». Le même communiqué n'omet pas de souligner qu'Alger a reçu depuis janvier trois importants émissaires américains chargés de la sécurité. Il s'agit du conseiller principal du président Barack Obama pour la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, John Brennan, le coordonnateur de la lutte antiterroriste au département d'Etat, Daniel Benjamin, et enfin le commandant de l'Africom. Une précision qui dénote un appui américain certain au régime algérien. Un ballet diplomatique qui confirme que les «alertes» algériennes sur les risques de prolifération d'armes du fait du conflit libyen ont trouvé un écho auprès de la plus grande puissance mondiale. Cette dernière, qui adopte différentes approches avec les pays de la région, au gré des intérêts qu'elle y entretient, semble trouver dans cette Algérie «antiterroriste», devenant le plus grand pays d'Afrique après la partition soudanaise, un allié pouvant jouer un rôle dans l'après-Gueddafi. Il reste à savoir quel est ce rôle que compte le régime algérien faire jouer à l'Algérie, pour se sauver ? Le fait, déjà, de se rendre indispensable dans la lutte contre le terrorisme est devenu depuis quelques années la marque de fabrique de l'Etat algérien qui, en sus du pétrole, tente de vendre l'image de champion de la lutte antiterroriste. Les va-et-vient occidentaux signent sans conteste un acquiescement de voir cette porte de l'Afrique et du Sahel parer à toute poussée terroriste ou migratoire «indésirable». Le deal est conclu, et le régime s'en sort avec des gratifications de la part de la puissance mondiale qui tempère les appels à mener comme il se doit les réformes politiques. L'Algérie a droit à un simulacre de réformes qui semblent être engagées pour contenter une opinion internationale soucieuse de voir le discours en faveur du changement prendre forme mais sans réellement se soucier du contenu qu'il adoptera. Alain Juppé, le quitus politique Devant les secousses telluriques ébranlant des chefs d'Etat dans le voisinage et conscient des risques qu'il encourt, le pouvoir algérien n'a pas hésité à réviser son approche de partage de la rente. Le Premier ministre, annonceur traditionnel des changements de cap qu'adopte à chaque fois le pouvoir, a même déclaré que «le climat des affaires n'encourage pas les investissements». L'aveu d'échec, qui a été lu dans cette déclaration, s'avère plutôt être un signal adressé aux partenaires étrangers, leur disant que des parts du «gâteau» sont à prendre. La France a été la première à se servir. Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, qui est attendu demain à Alger, entreprend une visite qui n'est pas à mettre en dehors de ce quitus politique attendu par Alger en retour des contrats juteux signés il y a quelques jours avec des entreprises françaises. Mais tout comme l'Oncle Sam, la crise libyenne fait aussi courir le ministre français, dont le pays a mené comme un chef d'orchestre l'intervention militaire en Libye. Après la «fougue» des attaques et bombardements sur Tripoli, voici venir le temps des tractations. «Les nombreux échanges de visites entre les deux pays et la mise en place de nouveaux mécanismes de concertation politique et de facilitation des investissements ont permis de consolider et de diversifier la coopération bilatérale et de l'élargir à tous les secteurs d'intérêt commun», souligne le directeur de la communication du ministère algérien des Affaires étrangères qui note que les discussions d'Alain Juppé et la partie algérienne porteront sur la situation régionale. Sera-t-il question des «aides militaires à l'armée libyenne» au sujet desquelles Juppé avait demandé des explications à son homologue algérien ? Est-il venu pour dire, tout comme le commandant de l'Africom, qu'il ne s'agit pas de rapports officiels pour signer l'appui politique que demande Alger ? Ou alors, la chute d'El Gueddafi fait-elle craindre à l'ancien colonisateur une contagion dont il ne voudra pas ? Il sera peut-être question de discuter de comment finir le travail en Libye. Devant les calculs froids et intéressés de la diplomatie, les attentes des peuples pour un souffle démocratique salvateur semblent bien secondaires.