Les relations entre l'Algérie et la France ne sont pas banales et sont encore loin d'être banalisées. Prudence, méfiance, affect les caractérisent. Paris. De notre correspondante Elles sont tantôt chaleureuses, tantôt distantes, voire glaciales ou au bord de la rupture, en tout cas complexes. L'histoire et le passé communs sont omniprégnants. «Le principal obstacle (du pacte d'amitié voulu par Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika en 2003, ndlr) viendra de l'acte de repentance que le gouvernement algérien nous demande quelques mois plus tard de faire figurer dans le préambule, acte par lequel la France exprimerait ses regrets pour les ‘‘torts portés à l'Algérie durant la période coloniale''. Il me paraît utile et même salutaire, comme je l'ai indiqué dans mon discours de l'Unesco à l'automne 2001, qu'un peuple s'impose à lui-même un effort de lucidité sur sa propre histoire. Mais ce qu'exigent de nous les autorités d'Alger n'est rien d'autre que la reconnaissance officielle d'une culpabilité. Je ne l'ai naturellement pas acceptée, consentant tout au plus à souligner, dans une déclaration parallèle et distincte du Traité, ‘‘les épreuves et les tourments'' que l'histoire avait imposés à nos deux pays. C'est le maximum de ce que je pouvais faire. Il n'était pas davantage question pour moi de célébrer, comme certains parlementaires UMP m'y invitaient, le bilan positif de notre héritage colonial. C'eut été tout aussi excessif et injustifié, pour ne pas dire indécent», écrit Jacques Chirac, en pages 434 et 435 du Temps présidentiel (deuxième tome de ses Mémoires, éditions Nil). Jacques Chirac n'a-t-il pas reconnu la responsabilité de l'Etat français dans les rafles des juifs du Vel' d'hiv' ? Il s'en explique dans le second volume de ses Mémoires (cité plus haut). Les mêmes raisons qui ont conduit à cette page de l'histoire de la France n'auraient-elles pas pu lui faire reconnaître le passé colonial de la France en Algérie ? L'interruption du processus électoral et la décennie noire (les années 1990) nourriront aussi les réserves, le souci de non-ingérence, les suspicions, les reproches fondés ou considérés comme injustifiés. Cela est valable tant pour l'ère Mitterrand (2e septennat) que pour celle de Chirac, comme cela est rapporté, pour le premier, par trois de ses proches collaborateurs, mardi derniers, dans une conférence-débat à l'initiative de l'association Coup de Soleil sur le thème «Mitterrand et le Maghreb» et dans les Mémoires de Jacques Chirac (second volume, en vente dans les librairies), dont nous reproduisons les pages que l'auteur consacre à l'Algérie. Ce poids de l'histoire, Nicolas Sarkozy, en prenant la responsabilité de l'Etat français en 2007, ne pouvait pas l'ignorer. Il pensait pouvoir, lui aussi, en faire l'impasse en formant le dessein de construire une relation entre la France et l'Algérie fondée sur le pragmatisme et le réalisme, tournée vers l'avenir. C'est le principal message, semble-t-il, dont était porteur le ministre d'Etat, Alain Juppé, qui vient d'effectuer une visite de travail à Alger et Oran. Certes, il faut regarder vers l'avenir, mais est-ce possible sans une mise à plat du passé, sans reconnaissance officielle de la responsabilité de l'Etat français ? Un «partenariat d'exception» peut-il se fonder uniquement sur des intérêts matériels et économiques partagés ? Le 50e anniversaire de l'indépendance ne serait-il pas l'opportunité de tourner la page, une page toutefois validée et reconnue ?