Il laisse inachevé le projet de traité d'amitié avec l'Algérie. Hier s'est achevé le 24e Sommet France-Afrique à Cannes (France) en présence de plusieurs chefs d'Etat africains dont le président Abdelaziz Bouteflika. C'était, selon l'avis général, la dernière rencontre du président Jacques Chirac avec ses amis «africains». Il a donc beaucoup été question d'un sommet «bilan» et parfois de «testament». Mais les héritiers de Chirac ne sont pas forcément parmi les candidats à sa succession, car aucun d'eux n'a «cette dimension personnelle et affective dans ses relations avec l'Afrique» selon les mots de la ministre déléguée au Développement, Mme Girardin. Bien que les deux principaux candidats à la présidentielle se soient rendus dans des pays africains pour y plaider leur cause, ni Ségolène Royal ni Nicolas Sarkozy ne peuvent prétendre à l'héritage africain de Chirac. Les critiques de la candidate socialiste sur les accords de défense entre Paris et le continent noir, l'immigration choisie du candidat de la droite sont les quelques points de divergence entre «Jacques l'Africain» qui déclarait, encore une fois, jeudi: «J'aime et je respecte l'Afrique. La France aime l'Afrique et se sent liée avec elle par les engagements de la fraternité, de l'histoire et du coeur.» Pourtant la France, du moins celle de l'après-Chirac, est déjà en passe de perdre sa place en Afrique. L'offensive économique chinoise n'est plus un secret et la forte présence américaine dans le secteur des hydrocarbures et des mines est également reconnue. En définitive, ce sera à l'UE, ayant déjà pris de grosses parts du marché africain, de reprendre le témoin français. Chirac le sait bien, lui qui a plaidé au Sommet de Cannes pour une nouvelle notion de partenariat. Il le sait, d'autant qu'il a demandé à Angela Merkel, la chancelière allemande qui préside l'Union européenne de maintenir l'Afrique au coeur du prochain Sommet du G8 dont la présidence est assurée par l'Allemagne. Merkel a saisi le message et rassure que l'esprit de partenariat, défendu par Chirac, «transcende le cadre habituel de la coopération pour le développement», a-t-elle dit. Elle a aussi affirmé à son hôte français que les relations euro-africaines ne seraient plus dans la très controversée tradition de la Francafrique. Un Sommet entre l'UE et l'Afrique est prévu, d'ailleurs, au Portugal au deuxième trimestre de 2007. Un Sommet où Chirac ne sera pas présent, en tout cas pas en qualité de chef d'Etat vraisemblablement. La ministre déléguée française au Développement, Mme Girardin, confirme cette tendance «la francafrique n'existe plus. Chirac a été le premier à ouvrir la voie aux financements innovant pour le développement. Avec la taxe sur les billets d'avion, on dispose de ressources stables et prévisibles qui permettent d'élaborer de vraies stratégies de développement». Mais que restera-t-il du bilan politique de Chirac dans sa relation particulière avec l'Afrique? En fait, beaucoup de dossiers demeureront inachevés dont le moindre n'est pas le traité d'amitié avec l'Algérie. Il y aurait eu des discussions avec le président Bouteflika en marge des travaux du Sommet de Cannes, mais rien n'a été annoncé pour l'instant. Chirac a certainement apprécié le geste d'amitié du président algérien qui prend part, pour la troisième fois, au sommet France-Afrique. Le président Bouteflika a été celui qui a inauguré la participation algérienne à ce genre de rencontres, en 2001. C'est dire la relation d'amitié qui lie les deux responsables. La signature du traité perturbée par, notamment, la loi du 23 février sur le rôle positif de la colonisation semble très compromise maintenant que le mandat présidentiel de Chirac touche à sa fin. Certes, le président du Conseil constitutionnel français, Pierre Mazeaud, avait fait part, début février à Alger, du souhait de Jacques Chirac de reprendre les négociations sur le traité d'amitié entre l'Algérie et la France. Il y eu même quelques rumeurs sur un dernier voyage du président français à Alger pour finaliser le projet. Depuis, les choses sont restées en l'état. Nicolas Sarkozy avait, lui aussi, laissé entendre qu'il reprendrait le dossier s'il est élu. Un fait est sûr, le temps imparti à Jacques Chirac est trop court pour mener à bien ce projet. Sauf coup de théâtre. Quant au prochain président français, quel qu'il soit, la tâche sera difficile car la relation de Chirac avec l'Afrique a été passionnée, tumultueuse pour pouvoir être reprise sans à-coups. Chirac a de nombreux amis africains mais il a aussi des ennemis qui lui reprochent ses positions dans différentes crises du continent. Mais comme il l'a dit lui même ce week-end, «l'Afrique ne sera jamais un partenaire comme les autres». Tout dépend si à l'avenir elle le sera moins ou plus que les autres.