Les robes noires entrent dans la contestation. «Mercredi, pas d'audiences !» est-il décrété par l'Ordre du barreau d'Alger. Et c'est, hier, à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire, pour le moins houleuse, que cette journée de protestation a été votée à l'unanimité par les centaines d'avocats présents. Ils entendent ainsi dénoncer le projet de loi relatif à cette profession, qui a été présenté, mercredi dernier, par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, devant la commission des affaires juridiques et administratives et des libertés de l'APN. Ce texte de loi, qui doit prochainement être soumis au vote des députés, vise la «caporalisation de la profession». «L'ensemble des articles proposés aboutiraient à la mise sous tutelle de la justice et de la profession d'avocat. Il y a un véritable danger pour l'indépendance du droit de la défense. Ce projet de loi remettrait en cause l'Etat de droit», s'indigne maître Abdelmadjid Selini, bâtonnier d'Alger. «Les atteintes sont nombreuses» Ce texte mène ainsi tout «droit à la guillotine» les quelque 5000 avocats inscrits au barreau. Et les différents intervenants qui se sont relayés à la tribune n'ont eu de cesse d'insister sur le caractère régressif et particulièrement préoccupant de ce texte de loi. Ce dernier serait ainsi une menace tant pour l'avocat que pour le justiciable. Car les atteintes sont nombreuses. «Les sanctions disciplinaires qui pourraient être introduites à l'encontre des avocats sont une épée de Damoclès. De même pour ce qui est de l'organisation de la profession. Les plus jeunes devront attendre 11 ans avant de pouvoir plaider devant la cour. Ce qui est une atteinte à l'égalité des chances, mais aussi au droit des citoyens de choisir leur défense», s'indigne Me Selini. Ce «charabia, sans aucune logique», estime ce dernier, «vise à régenter la corporation dans ses moindres faits et gestes». Cela démontre, si besoin est, l'esprit d'emprise que veulent avoir les autorités sur les institutions. Alors, «l'heure est à l'action et à l'unification». Faisant abstraction de leurs divergences, les avocats d'Alger ont ainsi arrêté une série d'actions, en plus de la journée de protestation de mercredi prochain. Les robes noires veulent marcher «Nous devons absolument nous adresser au président de la République, premier magistrat du pays, qui sera assurément plus attentif à nos revendications que le ministre de la Justice», propose Me Miloud Brahimi, conforté par les applaudissements de ses pairs. «De même, nous nous devons d'alerter l'opinion publique quant à ces graves dérives, qui touchent le droit de la défense et bafouent donc le droit des justiciables», assure, quant à lui, Me Selini. «Les avocats doivent marquer publiquement leur désaccord sur le fond et la forme de ce projet», répète-t-on à l'envi. Pour ce faire, la prochaine action envisagée est d'organiser une marche «symbolique», du tribunal d'Alger à l'APN. Et ce, en sus d'une grève, «illimitée jusqu'au retrait pur et simple de cette loi», est-il même proposé. Le mouvement de contestation prend donc forme. Et, une fois n'est pas coutume, un corps de métier entre dans la revendication pour des considérations autres que socioéconomiques. Des robes noires qui manifestent pour «l'indépendance et la liberté»… Un air de déjà-vu ?