Pourquoi Saïd Sadi ne vient plus aux marches ?» «Pourquoi vous avez adhéré au RCD ?» «Vous croyez au changement… Vous rêvez !» Les policiers ayant arrêté, samedi dernier, trois militants du RCD avant même le début du rassemblement hebdomadaire de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) n'ont eu visiblement aucune retenue. Les témoignages des jeunes arrêtés sont éloquents. Le procédé et la manière avec laquelle s'est faite l'arrestation, selon ces témoignages, sont dignes des films hollywoodiens. «Nous étions au siège régional du RCD à Alger et nous avons constaté la présence de quelques policiers en civil aux alentours. Vers 10h, alors que nous nous préparions, moi et quelques militants du RCD, à rejoindre la place du 1er Mai, les policiers nous ont suivis. A quelques mètres du siège, deux d'entre eux m'ont appréhendé. Sans se présenter, ils m'ont pris de force pour me jeter à l'intérieur d'un véhicule banalisé. Tout cela sous le regard médusé des passants», raconte Saïd Sekli, jeune militant du RCD, qui répond chaque semaine à l'appel de la CNCD. Deux autres militants du RCD ont eu aussi droit à un traitement qui s'apparente à un kidnapping. «Ils (les policiers en civil) se sont rués sur moi comme si j'étais un criminel. J'ai résisté, ils ont appelé des renforts. Ils m'ont pris de force pour me jeter à l'intérieur d'un véhicule couvert», explique pour sa part Abdelkader Benouali, militant du RCD. Une fois au commissariat de Cavaignac, le vrai calvaire commence. Ces jeunes ont eu droit à un véritable interrogatoire. Après des questions banales sur le parcours personnel de chacun d'eux, les policiers osent des interrogations sur leurs convictions politiques. «Les policiers m'ont demandé pourquoi j'ai adhéré au RCD. Ils m'ont dit : Saïd Sadi vous a endoctrinés pour se servir de vous. Ensuite, ils m'ont demandé pourquoi Saïd Sadi ne vient pas aux marches», affirme Saïd Sekli. Et d'ajouter : «Ils m'ont posé même la question sur l'âge de Ali Yahia Abdennour.» Les policiers vont plus loin dans leurs questions. «Après m'avoir demandé pourquoi j'ai adhéré au RCD, un des policiers m'a demandé si le parti me paye pour venir à la marche de samedi», ajoute pour sa part Abdelkader Benouali. Les deux jeunes affirment aussi que des policiers leur ont manqué de respect à l'intérieur du commissariat. Est-il interdit d'adhérer au RCD ou à n'importe quel parti d'opposition ? Outre les trois militants du RCD, Omar Abed, président du collectif des victimes de Khalifa Bank, a eu lui aussi droit au même traitement. La DGSN se rétracte sur l'envoi d'un communiqué «Après la marche, j'ai raccompagné Me Ali Yahia Abdennour chez lui. Des policiers en civil m'ont appréhendé devant le domicile de Me Ali Yahia. Ils m'ont ceinturé avant de me jeter dans un véhicule Toyota 4x4 noir pour me conduire au commissariat», explique-t-il. Omar Abed qualifie lui aussi cette réaction de la police «de kidnapping». «Auparavant, on nous séquestrait dans les cages d'escalier, maintenant on nous kidnappe», dénonce-t-il. Omar Abed et les trois militants du RCD n'ont été libérés que vers 18h30, après leur avoir fait signer des PV. «Les policiers ont même refusé d'enregistrer nos plaintes», lancent nos interlocuteurs. Ce n'est pas tout. Le président du RCD, Saïd Sadi, était lui aussi ciblé. Selon un communiqué du parti, il a échappé à une tentative d'agression non loin du siège national du RCD. Qui veut s'en prendre à Saïd Sadi ? Pour quelles raisons ? Le RCD serait-il devenu un parti clandestin ? Pour Mohcine Belabbas, chargé de communication du RCD, cela s'explique par «la panique qui a gagné le régime». Contactée pour avoir une réaction par rapport aux faits racontés par le RCD et les personnes ayant fait l'objet d'arrestation, la DGSN n'a fait aucun commentaire. Les responsables de la cellule de communication de la direction de la Sûreté nationale nous ont informés, en début d'après-midi, qu'un communiqué nous sera adressé pour donner des explications sur l'affaire. Mais vers 17h, le chargé de communication nous rappelle pour nous dire «qu'il n'y avait aucun communiqué».