Tandis que des responsables des services agricoles de la wilaya de Tizi Ouzou parlent d'une progression de la production de la cerise cette année, en affichant des bilans qui se veulent optimistes et positifs, la position de ce produit sur le marché local est loin d'être réjouissante, que ce soit au plan des rendements, de la qualité du fruit ou de son prix qui n'est toujours pas à la portée des bourses moyennes. C'est au moins, ce que pensent à l'unanimité les arboriculteurs rencontrés lors de la deuxième fête de la cerise organisée du 16 au 18 juin au village Aït Allaoua dans la commune d'Iboudrarène (50 km au sud-est de Tizi Ouzou). Pour cette année «la cerise est de très mauvaise qualité. Les dernières pluies ont causé des ravages dans nos champs. Ce n'est plus notre cerise», déplore un agriculteur d'Aït Allaoua, avant d'expliquer que cette année, le fruit a mûri tardivement comparativement aux saisons précédentes, ce qui est dû aux changements drastiques des conditions climatiques de ces deux derniers mois. «L'année dernière, se rappelle-t-il, au mois de juin, le fruit était entièrement mûr, alors que cette année c'est maintenant qu'il commence à rougir». Durant cette fête, le prix de vente de la cerise a été fixé à 300 DA/kg, alors que sur le marché, la cerise se situe dans la fourchette des 500 à 600 DA/kg. A travers les grandes villes, le prix de la cerise a connu une forte hausse, ce qui s'explique par la baisse de la production pour cette année non seulement dans la région de Tizi Ouzou mais à l'échelle nationale. Les prévisions de production de ce fruit ont été estimées à 20 000 quintaux pour cette saison contre 13 000 quintaux l'année dernière, selon la direction des services agricoles (DSA) de Tizi Ouzou. Le rendement à l'hectare a été évalué à 25 quintaux/ha cette année, alors que durant l'année dernière il n'a pas dépassé le cap des 20qx/ha. En ce mois de juin, il y a lieu de relever que la cueillette est à ses débuts, n'ayant touché que 10% seulement de la cerisaie de la région. 200 000 cerisiers en perdition A elle seule, Tizi Ouzou compte 42% du verger algérien (ce qui la classe 1re au niveau national), mais qui demeure très mal exploité. Sur plus de 200 000 cerisiers de différentes espèces (bigarreaux, griottes, la noire, la dure ou l'œil du pigeon) dont disposait la wilaya durant les années 1980, il n'en reste qu'une infime partie, éparpillée sur les 914 hectares qui sont toujours productifs. La cerisaie de la wilaya de Tizi Ouzou est concentrée dans les localités du nord-est du Djurdjura, à savoir Irdjen, Aït Oumalou, Aït Agouacha, Iferhounène, Illitène, Aïn El Hamam, Ath Yenni, Iboudrarène et Larbaâ Nath Irathène. Néanmoins, les cerisiers de la région subissent une dégradation désastreuse ces 20 dernières années et, dans la conjoncture actuelle, les acteurs de la filière mettent en garde contre la disparition certaine de cet arbre rustique, mais combien vulnérable aux aléas climatiques et les maladies ravageuses. En plus des mauvaises conditions climatiques, les maladies et les incendies sont cités comme premiers facteurs destructeurs du potentiel de la région en cerisiers. De l'année 2000 à 2010, 44 % du verger de la wilaya ont subi une déperdition causée par le capnode, ce nuisible parasite apparu durant les années 1980. Selon un responsable de la DSA de Tizi Ouzou, «cet insecte ravageur est responsable de l'échec de 60% des 3000 plants de cerisiers implantés à travers toute la wilaya». Il explique : «Les larves de ce parasite coléoptère s'attaquent à la partie souterraine de l'arbre, en creusant des galeries dans les racines, alors que l'adulte capnode se nourrit des feuilles et des écorces des rameaux». «Les arbres attaqués s'étiolent, s'affaiblissent et finissent par mourir en se desséchant complètement et deviennent des foyers de contagion qu'il convient d'extirper pour parer à la contamination des sujets sains», ajoute un spécialiste phytosanitaire de la même instance.