Dans la wilaya de Tizi Ouzou, la cerise, ce fruit dit noble, est en voie d'extinction. Il ne s'agit pas uniquement de la baisse de la production, mais surtout de la disparition des cerisaies. Plusieurs explications sont données à ce phénomène. Les autorités locales et les services agricoles invoquent les phénomènes climatiques ; les agriculteurs, quant à eux, se plaignent du capenode, ce parasite découvert vers 1980, qui détruit les récoltes alors qu'au sein de l'opinion publique, on n'écarte pas la probabilité d'une campagne orchestrée par des cercles de décisions occultes qui ont ciblé le cerisier pour le faire disparaître. La cerise avait sa fête, une longue histoire. A Larbaâ Nath Irathen, la fête des cerises, qui se déroulait à la fin du printemps, était un carrefour commercial et surtout un creuset pour les rencontres culturelles. « Notre ville a toujours fêté la cerise. C'était une occasion pour exposer et vendre nos produits et aussi monter des spectacles et diverses animations culturelles », raconte un arboriculteur. C'était dans les années 1970. L'événement, qui avait contribué à la prise de conscience politique, était considéré alors comme une menace pour le régime de l'époque. Des troubles ont été provoqués en 1974 et les autorités ont suspendu la fête. Durant ces années-là, la wilaya de Tizi Ouzou disposait de 275 815 cerisiers de plusieurs variétés : les bigarreaux, les griottes, la noire, la dure... Sur les 300 000 hectares d'alors, il n'en reste que 1226, dont 914 ha productifs. Le constat est triste. A la reprise de la fête de la cerise en 2006, celle-ci est quasiment absente des étals. « Au début des années 1960, une vingtaine d'ouvriers sont restés deux mois à cueillir les cerises dans un champ de Larbaâ Nath Irathen », se souvient le même producteur. Aujourd'hui, les cerisiers périssent les uns après les autres. Dans cette région de Kabylie, on s'interroge sur la disparition rapide du cerisier. « Dans notre région, les gens ne cessent d'évoquer la campagne ciblée de destruction du cerisier. C'était le seul moyen de saboter la fête de la cerise, pour étouffer la contestation politique. L'Etat avait alors importé un cerisier empoisonné qui a contaminé tous les arbres et rapidement, tous les cerisiers de la région s'assèchent les uns après les autres », estimait un exposant, lors de la dernière édition de la fête de la cerise. Difficile à vérifier. Mais les témoignages concordent. Les intempéries ne peuvent, en effet, détruire que le fruit et non pas les cerisiers qui disparaissent aujourd'hui massivement. De plus, les conditions climatiques étaient plus rudes durant les années 1970 pourtant la production de la cerise florissait. La probabilité de sabotage par le parasite reste plausible. La relance de ce créneau patine. L'opération de sauvegarde du cerisier devrait se faire en amont et en aval. Un agronome explique : « Le seul moyen de sauver la culture du cerisier, est une lutte dans toute la wilaya contre ces parasites pendant une période d'au moins trois années successives ». Le soutien de l'Etat à la relance du cerisier à travers le Fonds national de la régulation et du développement agricole (FNRDA), les prix bas des plants (250 DA l'unité) n'ont pas encore donné de résultats. Il en est de même pour le partenariat entre et la municipalité de Saint-Denis (France) et la commune de Larabaâ Nath Irathen qui vise la réhabilitation des cerisaies. Lorsque l'on sait que 42% de la cerisaie nationale se trouve à Tizi Ouzou, l'on imagine l'étendue des dégâts pour la production nationale. Les spécialistes préconisent pourtant des solutions simples et radicales, traiter les 1226 ha de terres où se trouvent les cerisiers, détruire tous les arbres infectés puis replanter de nouveau.