Amar Sundy a retrouvé une part de lui-même dans le blues américain, alors que le groupe belge, Hijaz, fait du jazz oriental à partir de sonorités maghrébines. Constantine De notre envoyé spécial Le Franco-Algérien Amar Sundy n'a pas eu beaucoup de peine, dimanche soir au Palais de la culture Malek Haddad de Constantine, à la faveur du Festival international de jazz (Dimajazz), à faire adhérer le nombreux public à sa musique. Une musique d'âme blues et de cœur saharien. Celui qu'on surnomme le «blues man targui» a surpris les présents par sa capacité de passer du blues aux couleurs du Grand Sud algérien au blues pur et dur à l'américaine. Amar Sundy a travaillé aux côtés de Buddy Miles, membre de la mythique Band of Gypsys de Jimi Hendrix, Big Joe Duskin, le célèbre pianiste américain de Boogie Woogie, Juan Rozoff, le compositeur et chanteur funk franco-russe et, bien sûr, Chico Hamilton, le batteur californien qui a joué avec Duke Ellington et Nat King Cole. Amar Sundy a fait également un bout de chemin avec BB. King, l'un des rois de la guitare blues. A 86 ans, BB. King continue à monter sur scène. Début juillet, il sera, aux côtés de Carlos Santana, l'autre monstre de la guitare, au Festival de Montreux (Suisse), le plus prestigieux festival européen de jazz. Donc, Amar Sundy connaît bien le monde fabuleux du blues et de la soul. Face au jeune public du Dimajazz, il a interprété des morceaux extraits de son dernier album Sadaqa (amitié), un opus bien accueilli par la presse spécialisée en 2009. Sadaqa est le quatrième opus de l'artiste. Au fil des ans, Amar Sundy a alimenté ses créations par ses sonorités diverses faisant même appel à une musicienne amérindienne. Alem, Sahraoui, Oualach et Men'ana (extraits de son premier album Najma), Amar Sundy a enchaîné les chansons avec une interprétation apaisée et une voix limpide comme les airs du Hoggar. Il a «bluesé» tout le monde «Le mélange blues et sahraoui n'est pas venu comme cela, c'est le résultat d'un long parcours et d'un long cheminement. Après s'être plongé dans la musique noire américaine, dans le blues, je me suis rendu compte, au bout d'un certain temps, par effet de rétroviseur, que les racines de cet art me rappelaient les miennes. Je me suis dit que nous avons les mêmes rythmes chez nous, mais la façon de jouer est différente», nous a expliqué Amar Sundy. Le groupe belge, Hijaz, mené par le Tunisien Moufadhel Adhoum, a, lui aussi, plongé dans les roots, racines, maghrébines pour produire un jazz oriental particulier. Un jazz marqué par les percussions variables du Marocain Azedine Jazzouli et du Belge Chryster Aerts. Dimanche soir, Hijaz a précédé le passage de Amar Sundy. Dans la musique de Hijaz, qui a emprunté le nom autant du «maqam» arabe que de la provence saoudienne, le oûd, tenu par Moufadhel Adhoum, est au centre, comme pourrait l'être une belle rose au milieu d'une table garnie. Mais, le oûd n'est pas tout comme dans le jazz oriental classique, à l'image de celui qui est pratiqué au Liban, en Irak ou en Egypte. Il est en harmonie avec les autres instruments, le piano ou la contrebasse. Mieux, le oûd est en dialogue permanent avec ces instruments, il n'est bousculé que par les percussions qui sont là à créer, d'une part, l'ambiance rappelant dans la foulée que la musique est un art joyeux, et de l'autre, souligner toute la chaleur du jazz. «On peut dire qu'on fait de la musique arabo-orientale jazzée ou du jazz oriental. Cela va dans les deux sens. Ma formation a été dans le classique, l'arabo-oriental et traditionnel tunisien. Cet apprentissage ne m'a pas quitté dans mes compositions», nous a expliqué Moufadhel Adhoum après le concert. Les compositions de Hijaz, comme leur nom l'indiquent bien Chemsi, Dunes, sont gorgées de soleil. Certains y verront de l'exotisme. Tel me semble être la démarche de Hijaz marquée par un souci d'innover sans tomber dans l'artificiel. Un jeu qui peut déplaire, mais le jazz, dans ses variantes, n'a jamais été un jardin fermé, un domaine réservé. En tout cas, Hijaz paraît assumer pleinement sa philosophie multiculturelle. Dans la section «Off», le jeune groupe Mazal de Béjaïa, qui fait dans la fusion variable, n'a pas démérité face au public de l'esplanade Aziz Djemam du Palais de la culture Malek Haddad. Malgré le soleil de fin d'après-midi, Mazal, managée par Mouny Harkat, a fait danser les jeunes aux rythmes berbère, rock, gnawa et chaâbi.