Le département d'Etat américain, dans son rapport 2011 concernant le trafic de personnes, épingle l'Etat algérien pour son non-respect des normes minimales requises pour éliminer le trafic d'humains, affirmant qu'«aucun effort significatif n'a été fait dans ce domaine». L'Algérie est-elle un pays où l'on favorise le trafic d'êtres humains ? Ou s'agit-il simplement d'exploitation de travailleurs africains ? Le pays est ainsi rétrogradé à la «catégorie 3», qui clôt la classification, et qui est dans la liste des pays «à surveiller», dans le document publié lundi dernier. Qu'est-il reproché à l'Algérie ? La non-application du «Trafficking Victims Protection Act» (TVPA, la loi sur la protection des victimes de trafic d'êtres humains). Ce qui en résulte la favorisation et la propagation des activités où l'on obtient ou maintient une personne dans une situation de service forcé ; servitude involontaire, esclavage, servitude pour dette et travail forcé. Et les griefs retenus contre l'Algérie sont d'ailleurs nombreux. «L'Algérie est un pays de transit, et dans une moindre mesure, un pays d'origine ou de destination, d'hommes, de femmes et d'enfants soumis au travail forcé et au trafic sexuel», est-il entamé, dans ce long réquisitoire du département d'Etat. Des Africains subsahariens pénètrent le territoire algérien, volontairement mais illégalement, le plus souvent avec l'aide de contrebandiers et de passeurs. Leur but est de poursuivre leur immigration clandestine vers l'Europe. Seulement, les restrictions renforcées aux frontières européennes, ainsi que la présence de réseaux criminels activant dans le trafic d'êtres humains, les empêchent d'aller plus loin ou de rebrousser chemin. «Les chefs de ‘villages africains', dans la région de Tamanrasset, font partie de ceux qui forcent les femmes immigrées à la prostitution», est-il affirmé dans le document. La gent féminine n'est pas la seule à être exploitée, puisque de nombreux cas «d'esclavagisme» d'hommes sont consignés dans ce rapport. «Des hommes, des Maliens le plus souvent, sont forcés à devenir des esclaves domestiques. Leurs propriétaires confisquent leurs papiers d'identité afin de les contraindre à cette exploitation», poursuit le département d'Etat. Et les Algériens eux-mêmes sont les cibles de ce trafic. «Des femmes, algériennes, sont aussi forcées à la prostitution», est-il déploré. «Un rapport de 2011 a aussi noté que 23 enfants et 6 hommes, d'origine algérienne, ont été identifiés comme étant victimes de trafic en Norvège», est-il ajouté. «Désertion de l'Etat» Mais là où le bât blesse, et qui a valu à l'Algérie ce blâme américain, est le désengagement total du gouvernement quant à ces graves violations des droits de l'homme. Car, en sus du manque de volonté de la part des autorités à éradiquer ce phénomène, elles échouent tout autant à identifier et à protéger les victimes de ce trafic. «Il y a des lacunes persistantes dans la mise en place de mesures idoines afin de protéger les victimes et prévenir ces trafics», souligne-t-on. En dépit de lois qui punissent sévèrement – de 10 à 20 ans de prison – ces pratiques criminelles, aucun cas d'investigation, d'enquête, de poursuites ou de condamnation n'a été diligenté ou prononcé par les autorités compétentes. Pis. Ce sont les «esclaves» eux-mêmes qui sont exposés aux poursuites judiciaires. «Des ONG ont rapporté que des victimes sont emprisonnées pour des actes illégaux, résultats immédiats de ce trafic, à l'instar de prostitution ou défaut de documents légaux d'immigration», accuse-t-on dans le document. Dans d'autres cas, les services de sécurité «déportent» les clandestins, en les abandonnant aux frontières du Mali et du Niger. «Les ONG affirment que certains meurent dans le désert», poursuit le département d'Etat. Et les officiels, qu'en disent-ils ? Pas grand-chose, semble-t-il. «Les membres du gouvernement affirment qu'une commission interministérielle a été installée afin de prendre en charge le trafic de personnes. Cependant, aucune donnée n'est disponible afin de vérifier la composante de ce groupe, ses prérogatives, la date de sa création ou encore si elle s'est réunie durant la période couverte par ce présent rapport», conclut le département d'Etat.