Aucun officiel n'a daigné assister à la cérémonie de recueillement organisée hier au Carré des martyrs du cimetière El Alia (Alger). Pas de personnalités historiques ni encore des chefs de parti. En ce 20e anniversaire du décès de Ferhat Abbas (1899-1985), premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et de l'Assemblée constituante, le ton était aux regrets. Regret que jusqu'à maintenant, « l'œuvre de ce grand homme politique, qui a compris le colonisateur sous toutes ses formes, soit encore occultée », dira M. Hakimi, directeur de cabinet du défunt à l'Assemblée constituante. Cela sans manquer de rappeler qu'après une rencontre entre Ferhat Abbas et Hô Chi Minh, à Fontainebleau, la presse titra : « Complot contre la France ». Une manière subtile de la part de M. Hakimi de rendre compte du « parcours nationaliste d'un militant de la première heure pour une Algérie digne et maîtrisant son destin ». Regret aussi que « l'Algérie, qui doit être redevable à ce monument politique, n'a pas encore pris conscience de l'apport de Ferhat Abbas dans la Construction », insistera Abdelkrim Hassani. Le président de la Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa) n'espère pas moins qu'« un de ces jours, le défunt va entrer dans l'histoire algérienne par la grande porte ». Parce que ce dernier, ajoutera M. Hassani, « était un homme visionnaire et tenait farouchement à la liberté et à la dignité humaine dans une quête nationaliste sincère et respectueuse des principes universels ». M. Hassani, qui a prononcé une allocution de recueillement, relèvera que le défunt « n'a jamais été ni traître ni laxiste envers le colonisateur, ni n'a renié son identité musulmane ». Pour lui, « Ferhat Abbas était contre la violence parce qu'il avait compris que c'était une arme à double tranchant, à utiliser contre l'ennemi mais aussi entre les frères, et il n'hésitera pas à opter pour la violence en ralliant le FLN ». Abdenour Keramane, ancien ministre, considère que « c'est rendre justice au défunt en commémorant sa mort, car le pays a besoin de s'accrocher aux valeurs morales et politiques qu'incarnait Ferhat Abbas ». Nassim Abbas, neveu de Ferhat Abbas, souhaite qu'avec le temps, son oncle deviendra « un symbole des valeurs démocratiques de l'Algérie ». Ceci alors que Saïd Boukhelifa regrette que « rien n'est entrepris pour donner la mesure du Tigre de Sétif ». Un ancien pilote d'Air Algérie, présent hier sur les lieux, se souvient encore le jour où, dans le cimetière de Fedj Medjana, à Mila, Ferhat Abbas le tenait dans les bras alors qu'il n'avait que 7 ans. En pleine campagne électorale en 1952 et en s'adressant à la population, il dira : « Choisissez pour que vos enfants soient des gardiens de moutons ou des cadres. » Et aux gendarmes français qui le tenaient en joug pour l'intimider : « Nous sommes dans un cimetière et les tombes sont prêtes, il vous est donc plus facile de tirer ! » Après les témoignages et quelques confidences, Mohamed Tahar Bouamoucha annoncera la tenue d'une assemblée générale, le 8 mai 2006 à Sétif, pour la création d'une fondation Ferhat Abbas. On murmurait hier que, dans les librairies, se trouve actuellement le livre de Ferhat Abbas, la Nuit coloniale, dédicacé par Abdelaziz Bouteflika, président de la République.