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L'Algérie tente de sortir de la dépendance des fournisseurs étrangers
L'année de la « guerre »
Publié dans El Watan le 26 - 12 - 2005

de la pomme de terreEn 2006, la pomme de terre risque de coûter jusqu'à cinq fois plus cher qu'en 2005. Pourquoi ? Parce que l'Algérie tente de sortir de la dépendance des fournisseurs étrangers de semences de base... mais sans s'en vraiment donner les moyens.
C'est un bras de fer stratégique qui est engagé entre l'Algérie et ses fournisseurs historiques en semences de base de pomme de terre, pour lequel le ministère de l'Agriculture a montré un niveau d'impréparation hallucinant et qui risque de nous pourrir l'année 2006. De quoi s'agit-il ? L'Algérie a importé en 2004-2005 pour environ 70 millions de dollars de semences de base de pomme de terre destinés aux 200 000 ha de production de la semence de pomme de terre quasi entièrement dépendante de ces fournitures. 135 000 tonnes de semences de base provenant à 90% de la zone Europe et à plus de 60% de la firme hollandaise ZPC. Jusque-là, tout va bien ou presque. Car les spécialistes sont formels : l'Algérie paie trop cher sa facture de semences de base, l'une des plus élevées au monde, et s'est transformée en dépotoir de la semence de rébus au point où il faut parfois en mettre 35 quintaux sur un hectare lorsque la moyenne ailleurs est de 20 quintaux l'hectare. Mais pourquoi s'achemine-t-on vers la guerre de la pomme de terre ? Parce que le ministère de l'Agriculture a décidé de mettre de l'ordre dans les importations de semences de base. Un arrêté d'avril 2004 fixe un calibrage normatif aux semences importées, il limite le nombre d'unités dans un même sac. Le gouvernement algérien a décidé de faire appliquer cet arrêté pour la nouvelle campagne agricole 2005-2006. Sur les 40 000 tonnes de semences importées au port de Mostaganem essentiellement d'Europe et particulièrement de Hollande, seules 5000 tonnes ont satisfait aux spécifications du calibrage. Deux bateaux hollandais sont restés en rade plusieurs jours avant de déposer leurs marchandises dans une zone sous-douanes sans certitude de l'écouler sur le marché algérien. Conséquence, les autres arrivages de semence, programmés pour la suite de la saison de la pomme de terre, ont été bloqués aux ports européens de départ par les fournisseurs de l'Algérie. La délégation économique de l'Union européenne à Alger a tenté en vain d'obtenir auprès du ministère de l'Agriculture un moratoire sur l'application de l'arrêté d'avril 2004 qui met hors normes au moins 60 000 tonnes de la semence de base de la variante Spunta. Les importateurs algériens et leurs fournisseurs étrangers n'ont pas tenu compte de cet arrêté alors qu'ils avaient largement le temps de se mettre aux normes. Jusque-là, on serait tenté de dire bravo aux pouvoirs publics algériens, mais voilà que les choses changent du tout au tout lorsque les fournisseurs européens, hollandais en tête, décident de mettre l'Algérie sous embargo : plus de semences de base de pomme de terre. Etait-ce un scénario prévu par le ministère de l'Agriculture lorsqu'il a choisi la fermeté dans le traitement des importations de semences de base ? Manifestement, non. Car de solution de rechange aux importations européennes, il n'y en a point de prête pour l'actuelle campagne. M Saïd Barkat, ministre de l'Agriculture, va-t-il faire piteusement machine arrière devant ZPC, comme vient de le faire avant lui son homologue de la jeunesse et des sports, Yahia Guidoum, devant la FIFA, faute de s'être préparé à une bataille qu'il a enclenchée sans en mesurer les ultimes conséquences ? La colère des paysans couve. La rareté de la semence de base importée a déjà créé de fortes tensions sur le marché. Son prix a flambé et les quantités disponibles ne suffiront pas pour les surfaces programmées à sa culture. Dès le printemps 2006, le prix de la pomme de terre au détail pourrait anticiper les cours de l'été promis à une hausse importante.
L'alternative existe en Algérie, elle est en route
La semence de ferme produite en Algérie - une solution de repli possible - a des rendements encore plus faibles que la semence de rébus importée que tente de traquer l'arrêté d'avril 2004. Les fournisseurs européens le savent et jouent sur du velours de ce côté-là. Ce qu'ils savent peut-être moins, c'est que leur position de force n'est peut-être pas acquise au-delà de 2006. Les producteurs européens de semences de base ont toujours refusé de délocaliser vers l'Algérie le développement de la G zéro, la semence souche à partir de laquelle est obtenue, par effet de multiplication, la semence vendue aux producteurs de pomme de terre. C'est bien sûr là que se noue la bataille commerciale autour de la semence de base de pomme de terre. Que le pays devienne producteur de cette semence de base et la culture de la pomme de terre se lirait dans tous autres termes. Mais pourquoi donc l'Algérie n'en a-t-elle pas produit alors qu'elle est une si grosse importatrice ? Parce que les fournisseurs étrangers ont réussi à insinuer cette idée que ce serait peine perdue. Pari technologique hors de portée. Nos deux grands laboratoires d'agronomie n'en seraient pas capables. L'année 2006 va sans doute apporter un spectaculaire démenti à ce mythe du « gap technologique ». Une première vient d'être réalisée à Sidi Bel Abbès. Une culture en chambre aseptisée, puis en sol isolé a donné une génération première de semence de pomme de terre. Elle va être multipliée dès le mois de mars prochain. Les expertises du CNCC ont toutes relevé la conformité aux normes du produit et du procédé. L'enjeu est immense. Au lieu de coûter 70 millions de dollars d'importation, la production de pomme de terre en Algérie nécessiterait moins de un million de dollars en semences. C'est toute la filière pomme de terre qui en serait ainsi révolutionnée. Elle gagnerait un maillon supplémentaire en amont. 4000 hectares suffiraient à fournir en besoins les producteurs de pomme de terre. 10 000 nouveaux emplois pourraient être ainsi créés qui sont monopolisés en partie par des « multiplicateurs » subventionnés en Europe. C'est un laboratoire australien qui a sélectionné au terme d'un « casting » maghrébin ce partenaire algérien - connu dans le bâtiment et dans l'ingénierie agronomique - pour lancer la multiplication de graine de pomme de terre. 2006, année de l'émancipation de l'Algérie vis-à-vis de l'importation de la semence de pomme de terre ? Il y a un mais dans l'histoire : les pouvoirs publics hésitent encore à donner les certifications à la filière algérienne naissante de production scientifique de la semence de pomme de terre. Pourquoi ? Parce qu'il existerait un vide juridique en la matière. La loi et la réglementation algériennes ne gèrent que les importations.


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